1. L’article 24 de la loi de finances rectificative pour 2015 réforme la réduction ISF-PME afin de mettre le dispositif en conformité avec le droit de l’Union européenne.
On rappelle que l’ISF-PME permet de réduire son ISF de 50 % du montant des sommes investies dans des PME. La réduction est plafonnée à 45 000 € en cas d’investissement direct ou via des sociétés holdings (et à 18 000 € en cas de souscriptions de parts de fond d’investissement).
La mise en conformité opérée par l’article 24 de la loi de finances rectificative pour 2015 se traduit, pour les souscriptions directes au capital de PME ou via les "holdings-ISF", par :
- un recentrage du dispositif sur les PME de moins de sept ans. Cette limite n’est toutefois pas exigée en cas d’investissement important ;
- l’impossibilité pour les associés et actionnaires d’investir de nouveau dans leur société (sauf exceptions).
L'article 24 apporte également des aménagements (non commentés ici) au dispositif en cas d'investissements via des FCPI ou des FPI.
2. Les modifications apportées au dispositif ISF-PME sont applicables, d’une manière générale aux souscriptions effectuées à compter du 1er janvier 2016.
Souscriptions directes au capital de PME
Les souscriptions éligibles sont restreintes
3. Continuent d’ouvrir droit à réduction d’ISF les souscriptions en numéraire et les souscriptions de titres participatifs de sociétés coopératives.
En revanche, les apports de biens en nature sont désormais exclus.
4. Une modification substantielle est apportée au dispositif, s’agissant des souscriptions en numéraire effectuées à l’occasion d’une augmentation de capital (CGI art. 885-0 V bis, I-1o nouveau). Jusqu’à présent, toute personne pouvait participer à une telle opération. La nouvelle rédaction de l’article 885-0 V bis du CGI conduit à réserver le dispositif aux redevables qui ne sont ni associés ni actionnaires.
Une exception est cependant prévue pour les souscriptions aux augmentations de capital lorsqu’elles constituent un investissement de suivi réalisé (même après le délai de sept ans visé no 5) dans les conditions cumulatives suivantes :
- le redevable a bénéficié au titre de son premier investissement de la réduction ISF-PME ;
- de possibles investissements de suivi étaient prévus dans le plan d’entreprise de la société bénéficiaire ;
- cette société n’est pas devenue liée à une autre au sens de la réglementation européenne (art. 21, 6-c du RGEC du 17-6-2014).
Ndlr : En d’autres termes, les dirigeants associés ou actionnaires des sociétés existantes au 1er janvier 2016 continuent de pouvoir bénéficier de la réduction ISF-PME dans le cadre de la souscription à l’augmentation de capital de ces sociétés à la double condition, pour que cette souscription soit qualifiée d’investissement de suivi, qu’ils aient bénéficié de cette même réduction lors de leur premier investissement au capital de la société et que celle-ci ne devienne pas liée à une autre du fait de cette augmentation de capital. Les dirigeants associés ou actionnaires de sociétés créées depuis le 1er janvier 2016 pourront souscrire aux augmentations de capital futures sous réserve de la condition supplémentaire que le plan d’entreprise initial prévoit de possibles investissements de suivi. On attendra les commentaires de l'administration sur l'étendue des informations à faire figurer dans le plan d'entreprise initial.
Le dispositif est recentré sur les jeunes entreprises innovantes
5. S’agissant des sociétés éligibles, le dispositif, applicable jusque-là sans limite d’âge, est recentré sur les PME de moins de sept ans, sauf investissement important (CGI art. 885-0 V bis, I-1 bis-d nouveau).
Lors de l’investissement initial, la société doit en effet remplir l’une des conditions suivantes :
- n’exercer son activité sur aucun marché,
- exercer son activité sur un marché, quel qu’il soit, depuis moins de sept ans après sa première vente commerciale. Le seuil de chiffre d’affaires caractérisant la première vente commerciale ainsi que ses modalités de détermination seront fixés par décret,
- avoir besoin d’un investissement en faveur du financement des risques qui, sur la base d’un plan d’entreprise établi en vue d’intégrer un nouveau marché géographique ou de produits, est supérieur à 50% de son chiffre d’affaires annuel moyen des cinq années précédentes.
Ndlr : Cette dernière condition permet de continuer à faire bénéficier du dispositif ISF-PME certaines PME de plus de sept ans désirant conquérir un nouveau marché.
Les conditions tenant à la société sont reconduites
6. La plupart des conditions existantes sont reconduites avec quelques aménagements.
C’est ainsi que la société doit (conditions reprises à l’identique et codifiées désormais sous l’article 885-0 V bis, I-1-2o et 1 bis):
- répondre à la définition européenne de la PME, au sens désormais de l’annexe I du RGEC du 17 juin 2014 ;
- avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de l’Union européenne, en Islande, en Norvège ou au Liechtenstein ;
- être soumise à l’impôt sur les bénéfices dans les conditions de droit commun ;
- compter au moins deux salariés à la clôture de l’exercice qui suit la souscription ou un salarié si la société est soumise à l’obligation de s’inscrire à la chambre des métiers et de l’artisanat.
Ses actifs ne peuvent pas être constitués de façon prépondérante de métaux précieux, d’œuvres d’art, d’objets de collection, d’antiquités, de chevaux de course ou de concours ou, sauf si l’objet même de leur activité consiste en leur consommation ou en leur vente au détail, de vins ou d’alcools.
Les souscriptions à son capital doivent conférer aux souscripteurs les seuls droits résultant de la qualité d’actionnaire ou d’associé, à l’exclusion de toute contrepartie notamment sous la forme de garantie en capital, de tarifs préférentiels ou d’accès prioritaire aux biens produits ou services rendus par l’entreprise.
Enfin, la société ne doit pas avoir procédé dans les douze mois précédents au remboursement total ou partiel de ses apports.
7. La société doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
Demeurent exclues les activités financières, les activités de gestion de patrimoine mobilier, les activités immobilières et les activités procurant des revenus garantis en raison d’un tarif réglementé de rachat de la production ou bénéficiant d’un contrat offrant un complément de rémunération.
L’article 24 de la loi ajoute une nouvelle exclusion concernant les activités de construction d’immeubles en vue de leur vente ou de leur location (CGI art. 885-0 V bis, I-1 bis-c).
8. Par ailleurs, ses titres ne peuvent pas être admis à la négociation sur un marché réglementé ou un marché multilatéral de négociation français ou étranger.
Une exception est introduite pour les titres admis aux négociations sur un marché multilatéral où la majorité des instruments admis à la négociation sont émis par des PME. Cette exception permet de rendre éligible au dispositif ISF-PME les sociétés dont les titres sont négociés sur Enternext (filiale d’Euronext dédiée aux PME et ETI) (CGI art. 885-0 V bis, I-1 bis-g).
De nouvelles conditions sont introduites
9. Deux nouvelles conditions sont introduites :
- la société ne doit pas être qualifiable d’entreprise en difficulté au sens du RGEC du 17 juin 2014 (CGI art. 885-0 V bis, I-1 bis-b) ;
- le montant total des versements reçus au titres des souscriptions (directes et intermédiées) et des aides au titre du financement des risques ne doit pas excéder 15 M€. A défaut de précision, ce montant s’apprécie sur la durée de vie de la société (CGI art. 885-0 V bis, I-1 bis-j).
Rappelons que, dans le cadre des anciennes règles européennes du capital-investissement, le plafond s’élevait à 2,5 M€ apprécié sur une période glissante de douze mois.
Un dispositif spécifique est créé pour les entreprises solidaires
10. Jusqu’à présent, la réduction ISF-PME s’appliquait aux entreprises solidaires selon des modalités dérogatoires, certaines conditions d’application du dispositif, notamment celle tenant à l’activité exercée, étant adaptées pour tenir compte des particularités de ces entreprises.
L’article 24 de la loi supprime ces différentes exceptions mais, corrélativement, met en place un dispositif spécifique (codifié sous un nouvel article 885-0 V bis B du CGI).
Remarques : a. Les entreprises visées sont les entreprises solidaires d’utilité sociale mentionnées à l’article L 3332-17-1 du Code du travail.
b. Le dispositif reprend la quasi-totalité des dérogations existantes à l’exception toutefois de celle tenant à la possibilité pour les souscripteurs de se faire rembourser leurs apports dès le 31 décembre de la cinquième année suivant la souscription (au lieu de la septième année dans le cadre du régime général). C’est donc le délai de sept qui leur est désormais applicable.
11. Le nouvel article 885-0 V bis B du CGI prévoit que la réduction ISF-PME est applicable sous les mêmes conditions et sous les mêmes sanctions aux souscriptions en numéraire au capital des entreprises solidaires d’utilité sociale sous les réserves suivantes. La dérogation prévue pour les entreprises solidaires exerçant une activité financière ou immobilière est maintenue.
S’agissant des sociétés solidaires ayant exclusivement pour objet une activité financière, la limite des versements est fixée à 2,5 M€ par an (au lieu de 15 M€ sur la durée de vie de la société : no 9) et la condition tenant à l’âge de la société (no 5) ne leur est pas applicable.
Par ailleurs les conditions tenant au montant de l’investissement et à l’âge de la société ne sont pas applicables aux entreprises solidaires ayant exclusivement pour objet :
- soit l’étude, la réalisation ou la gestion de construction de logements à destination de personnes défavorisées ou en situation de rupture d’autonomie ;
- soit l’acquisition, la construction, la réhabilitation, la gestion et l’exploitation par bail de tous biens et droits immobiliers en vue de favoriser l’amélioration des conditions de logement ou d’accueil et la réinsertion de personnes défavorisées ou en situation de rupture d’autonomie.
Pour bénéficier de cette dérogation, la société doit renoncer à la distribution de dividendes et réaliser son objet social sur l’ensemble du territoire.
La remise en cause de la réduction d’ISF
En cas de non-respect de l’engagement de conservation des titres
12. L’octroi définitif de la réduction ISF-PME est toujours subordonné à la conservation des titres remis en contrepartie des versements jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant celle de la souscription. Le non-respect de cette condition continue à entraîner la remise en cause de l’avantage, sauf exceptions.
Plusieurs nouvelles exceptions sont introduites dans le texte légal (CGI art. 885-0 V bis, II-2 modifié).
13. C’est ainsi qu’il n’y a pas remise en cause de la réduction d’impôt lorsque la condition de conservation n’est pas respectée suite à la cession des titres réalisée dans le cadre d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire. Cette exception s’ajoute à celle déjà prévue en cas d’annulation de titres pour cause de pertes ou de liquidation judiciaire.
14. Il n’y pas non plus remise en cause lorsque l’obligation de conservation des titres n’est pas respectée à la suite d’une procédure de retrait obligatoire à l’issue d’une offre publique de retrait ou de toute offre publique au sens de l’article L 433-4 du Code monétaire et financier.
Cette nouvelle exception est subordonnée aux mêmes conditions que celles prévues en cas de cession de leurs titres par les actionnaires minoritaires rendue obligatoire par un pacte d’associés ou d’actionnaires, à savoir :
- le prix de vente (diminué des impôts et taxes générés par cette cession) est intégralement réinvesti dans le délai de douze mois en souscription de nouveaux titres de PME remplissant les différentes conditions d’application de la réduction d’ISF ;
- les titres ainsi souscrits doivent être conservés jusqu’au terme du délai de conservation, étant précisé que cette nouvelle souscription ne peut pas donner lieu au bénéfice de la réduction d’ISF ni, conformément au présent article, à la réduction d’impôt sur le revenu Madelin.
15. Par ailleurs, aucune reprise n’est effectuée lorsque la cession ou le remboursement des titres soumis à la condition de conservation intervient en cas de licenciement, d’invalidité (correspondant au classement dans la deuxième ou la troisième des catégories prévues à l’article L 341-4 du CSS) ou de décès du souscripteur ou de son conjoint ou partenaire lié par un Pacs soumis à imposition commune.
Il en va de même en cas de donation à une personne physique si le donataire reprend à son compte l’obligation de conservation des titres et ne bénéficie pas du remboursement des apports avant le 31 décembre de la septième année suivant celle de la souscription. A défaut, la reprise de la réduction d’impôt est effectuée au nom du donateur.
En cas de non-respect des conditions d’application devant être remplies pendant cinq ans
16. Les conditions requises pour l’octroi de la réduction d’impôt doivent être remplies à la date de la souscription.
L’article 24 de la loi précise que doivent être satisfaites non seulement à la date de la souscription mais également de manière continue jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant cette souscription les conditions tenant à :
- l’absence de contrepartie pour les souscripteurs,
- la nature de l’activité,
- la composition des actifs,
- la localisation du siège de la société.
Ndlr : La doctrine administrative était déjà en ce sens s’agissant des conditions tenant à la nature de l’activité et à la localisation du siège social.
Les modalités de la reprise
17. Il est désormais prévu qu’en cas de remise en cause du dispositif, l’avantage fait l’objet d’une reprise au titre de l’année au cours de laquelle le redevable ou la société cesse de respecter l’engagement de conservation des titres ou l’une des conditions d’éligibilité devant être respectées pendant cinq ans (CGI art. 885-0 V bis, II-3 nouveau).
Aucune précision n’était donnée jusqu’à présent dans le texte légal.
Les aménagements consécutifs du dispositif « holdings-ISF »
18. Le dispositif « holdings-ISF » est aménagé pour tenir compte des modifications apportées à la réduction ISF-PME en cas d’investissement direct.
C’est ainsi qu’en cas de souscriptions au capital de sociétés holdings agissant en tant que sociétés interposées, celles-ci doivent continuer à satisfaire à l’ensemble des conditions applicables aux PME opérationnelles à l’exception de celles tenant à l’activité et au nombre minimum de salariés mais également de celles tenant à l’âge de la société (no 5) et au montant total des versements (no 9).
En outre, la société ne doit pas être associée ou actionnaire de la société dans laquelle elle réinvestit, excepté en cas d’investissement suivi (voir no 4).
Les autres conditions demeurent inchangées.