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Sociétés immobilières translucides : année civile ou exercice ?

En éclairant mieux la période servant au calcul du résultat des sociétés immobilières translucides, de récentes notices administratives facilitent le recours à des clôtures d’exercices en cours d’année pour résoudre certaines difficultés inhérentes à la gestion de ces sociétés.


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1. Voici peu, les notices administratives des déclarations que doivent remplir les sociétés immobilières non soumises à l’impôt sur les sociétés (nos 2072-S ou 2072-C) ont été mises à jour à propos de la période sur laquelle portent les éléments à déclarer.

« Ajoutez quelquefois, et souvent effacez » (Boileau, l’Art poétique)

2. Faisant jusqu’alors référence à « l’année d’imposition », ces deux notices ont indiqué en 2015 (revenus 2014) et en 2016 (revenus 2015) que « les éléments à déclarer concernent l’année civile ou, le cas échéant, l’exercice clos au cours de l’année en cas de cessation ou d’option pour l’impôt sur les sociétés en cours d’année ».

En 2017 (revenus 2016), paraît donc une nouvelle rédaction, épurée : « les éléments à déclarer concernent l’année civile ou l’exercice clos au cours de l’année », opportunément rappelée par le Guide spécial « sociétés immobilières » (FR 16/17 [15] n° 112 p. 17).

3. Pourvues d’une valeur simplement indicative (CAA Bordeaux 4-2-2014 n° 12BX00571 : RJF 6/14 n° 587), ces notices apportent une précision structurante, relative aux sommes à déclarer par ces sociétés immobilières.

Ni «transparentes» ni «opaques », car «translucides»

4. Distinctes des sociétés immobilières « transparentes » (les sociétés, de « copropriété » ou « d’attribution » d’immeubles, sans personnalité d’assiette, sont justiciables d’une autre déclaration, n° 2071) et des sociétés immobilières opaques (les sociétés soumises à l’impôt sur les sociétés, qui souscrivent une déclaration n° 2065), ces sociétés sont celles possédant un statut fiscal intermédiaire, qualifié de « translucide ».

En effet, les sociétés immobilières translucides sont dotées d’une pleine personnalité d’assiette (qui les conduit à déterminer souverainement leurs résultats), mais elles n’acquittent pas l’impôt correspondant puisque, selon un mécanisme légal séculaire, ces sociétés laissent chacun de leurs associés être « personnellement imposé » sur sa quote-part de résultat... après que chaque associé a compris à son tour cette quote-part dans sa propre déclaration d’impôt.

5. Cette dualité de déclarants est source de difficultés, inhérentes tant à la possible similarité des règles déterminant le revenu imposable des associés et celui de leur filiale (notamment, celles définissant le fait générateur et le revenu disponible), qu’à l’hybridité du mécanisme de la translucidité fiscale.

Parmi ces difficultés figure celle-ci : pour déterminer la période de référence des sommes à déclarer, faut-il appliquer à la société immobilière les règles de l’associé, quitte, si le fait générateur d’imposition de celui-ci est le 31 décembre (pour un associé personne physique, ou pour une entreprise dont l’exercice correspond à l’année civile), à retenir pour la société immobilière cette même période, si celle de cette société se termine en cours d’année ?

6. Deux décisions du Conseil d’Etat des 9 mars 1983 (n° 24.725 : RJF 5/83 n° 677) et 10 juillet 2007 (n° 287661, SA SCA Ouest : RJF 11/07 n° 1274) répondent négativement, et tout particulièrement la seconde, de laquelle il résulte que la souveraineté d’assiette d’une SCI translucide implique que l’événement faisant naître le revenu disponible pour l’associé soit apprécié au niveau de cette société, et que cet événement corresponde, pour des revenus locatifs, à la clôture de l’exercice social.

Le mercredi 28 juin 1995

7. Telle avait été la date choisie, dans la seconde affaire, pour que cette SCI clôture un exercice social jusqu’alors calé sur l’année civile, dans la perspective que, à la fin de ce même mois, ses associés personnes physiques cèdent ensuite leurs parts sociales à des associés (soumis à l’IS) de statut fiscal différent, et que, le cas échéant, une assemblée générale subséquente puisse solder leurs droits, notamment pécuniaires.

En général, l’exercice sera celui social et fiscal, à quelque date qu’il se termine : coïnciderait-il avec l’année civile, celle-ci correspondrait alors certes à la période de référence retenue pour la déclaration n° 2072, mais en tant qu’exercice, et non en tant qu’année civile.

8. Par exception, l’exercice peut ne correspondre qu’à une fraction d’exercice social, correspondant à une période d’imposition fiscale bornée par un événement de cessation d’entreprise tel que celui subi par une SCI optant pour l’IS (en ce sens, la précédente rédaction des notices 2072 NOT, elles-mêmes inspirées d’un rescrit n° 2011/23 reproduit au BOI-IS-CHAMP-40, n° 40 : DC-V-13735).

Un meilleur traitement juridique et financier de certaines opérations

9. De ces précisions administratives pourra découler le choix d’une terminaison d’exercice en cours d’année afin que certaines opérations soient mieux traitées juridiquement et financièrement, par une plus juste partition des bénéfices et impositions entre associés cédants et cessionnaires (notamment en cas d’impositions en report méritant d’être purgées avant la cession).

10. Il importe en effet de rappeler que (sauf opérations particulières telles que les cessions d’immeubles ou l’attribution en compte courant de certains produits comme ceux d’une réévaluation libre), par principe, sont seuls imposables sur les résultats d’une société translucide les associés présents à la clôture d’un exercice (CE 28-2-2012 n° 320570 : DC-V-5555). Ainsi, pour éviter que, en cas de cession des parts en cours d’exercice, les vendeurs ne soient imposés sur les résultats de cet exercice, et que seuls les acquéreurs le soient, une clôture d’exercice peu avant la cession peut constituer une réponse adéquate.

De même, une imposition des résultats de la société entre les mains de l’associé cédant pourra le conduire à mettre en oeuvre le mécanisme permettant de corriger le prix de revient de ses parts ensuite cédées, prévu par les jurisprudences Quemener (CE 16-2-2000 n° 133296 : DC-V-9400) et Baradé (CE 9-3-2005 n° 248825 : IMMO-II-186325).

11. En conclusion, clôturer spécialement un exercice social en cours d’année pour faciliter un changement d’associé apparaît donc comme un instrument auquel les praticiens pourront utilement recourir, et dont, dans l’attente espérée d’une nouvelle doctrine administrative, les notices 2072 NOT ont d’ores et déjà amélioré la visibilité fiscale.



Par François Lacroix, Avocat associé CMS Bureau Francis Lefebvre

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne