Une femme est placée sous tutelle, un mandataire judiciaire est désigné en qualité de tuteur. Celui-ci demande au juge que le frère de l’intéressée soit interdit de visite. La cour d’appel fait droit à la demande et interdit au frère de téléphoner à sa sœur et de lui rendre visite ou de la rencontrer « quel que soit le lieu de vie institutionnel de celle-ci, et notamment à la maison de retraite ». Le frère conteste cette mise à l’écart.
La Cour de cassation confirme, après avoir rappelé que :
- la personne protégée entretient librement des relations personnelles avec tout tiers, parent ou non, et a le droit d'être visitée et, le cas échéant, hébergée par ceux-ci, le juge statuant en cas de difficulté (C. civ. art. 459-2) ;
- la mesure de protection a pour finalité l'intérêt de la personne protégée (C. civ. art. 415, al. 3) ;
- toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance et l’ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit n’est envisageable que si elle est prévue par la loi et constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (Conv. EDH art. 8).
En l’espèce, l’encadrement des visites et des contacts téléphoniques étant impossible, une rupture totale du lien familial était nécessaire dans l’intérêt de la majeure protégée, dès lors que :
- l’intéressée souffrait de troubles graves de la personnalité et du comportement de type schizophrénique et n’était pas à même d’exprimer sa volonté de manière cohérente et adaptée ;
- son hospitalisation en service de psychiatrie résultait de l'impossibilité, pour la maison de retraite dans laquelle elle résidait, de gérer les intrusions multiples de son frère qui avaient pour effet de la déstabiliser psychiquement ;
- la persistance avec laquelle le frère se présentait comme le seul compétent pour déterminer l'intérêt de sa sœur, au risque de parasiter sa prise en charge, ne cessait de s'illustrer, au sein de ses divers lieux de vie et dans les salles d'audience ;
- l’irrespect du déroulement de l’audience et la virulence des propos du frère, voire sa violence, légitimaient l’interdiction des visites, seule de nature à permettre le retour d’une certaine sérénité autour de la majeure protégée ;
- la décision d’interdiction des visites s’est avérée bénéfique pour l’intéressée qui n’a plus été hospitalisée en psychiatrie ensuite.
À noter : Décision mettant en jeu deux principes fondamentaux du droit des majeurs protégés : d’un côté, le droit de la personne protégée de maintenir librement une vie sociale et familiale, au besoin en recevant des visites (C. civ. art. 459-2), de l’autre, l’intérêt du majeur comme finalité de la mesure de protection (C. civ. art. 415). Les relations avec les proches étant souvent bénéfiques pour le majeur protégé, ces deux principes sont conciliables et même complémentaires la plupart du temps. Toutefois, ils se retrouvaient ici en opposition du fait de circonstances particulières.
La Haute juridiction consacre la prééminence du second principe issu de l’article 415 du Code civil. Il résulte notamment de cet article, le premier de la Section 2 intitulée « Des dispositions communes aux majeurs protégés », que la protection des personnes majeures, lorsqu’elle est nécessaire, est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne et a pour finalité l'intérêt de la personne protégée. En l’espèce, le comportement du frère de la personne protégée était particulièrement problématique, au point que l’intérêt de cette dernière était de rompre totalement ce lien familial toxique jusqu’à ce que ce comportement évolue.
Rémy FOSSET
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n° 49010
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