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Non à la revendication par une fédération reconnue d'utilité publique du legs fait à une association non affiliée au décès

Un legs fait à une association dépourvue de la capacité de recevoir au jour du décès ne peut être revendiqué pour son compte par une fédération reconnue d'utilité publique à laquelle elle s'est affiliée postérieurement au décès.

Cass. 1e civ. 14-4-2021 no 19-19.306 FS-P


Par Patrice MACQUERON, Professeur de Droit privé
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©iStock

Aux termes de l'article 906, alinéa 2 du Code civil, pour être capable de recevoir par testament, il suffit d'être conçu à l'époque du décès du testateur. Selon l'article 911, alinéa 1 du même Code, toute libéralité au profit d'une personne morale frappée d'une incapacité de recevoir à titre gratuit est nulle.

Pour la Cour de cassation, il résulte de la combinaison de ces textes, dont le premier traduit le principe fondamental suivant lequel il ne peut exister de droits sans sujet de droits, que le legs fait à une association dépourvue de la capacité de recevoir une libéralité au jour du décès du disposant est nul.

En l'espèce, une personne décède après avoir institué comme légataire universelle la fondation Brigitte Bardot, à charge pour elle de distribuer la moitié de l'héritage à l'association le Refuge canin lotois de Cahors. La fondation a accepté le legs et le préfet de Paris a rendu une décision d'absence d'opposition.

Faisant valoir que l'association ne disposait pas de la capacité juridique pour recevoir le legs, la fondation l'a assignée pour voir dire réputée non écrite la clause du testament prévoyant une charge illicite. La confédération nationale des SPA France et des pays d'expression française (CNSPA) est intervenue volontairement à l'instance pour être autorisée à accepter le legs effectué au profit de l'association, à charge pour elle d'en affecter le montant à une action de cette dernière, conformément à la volonté de la testatrice.

La cour d'appel, après avoir constaté que l'association était inapte à recevoir le legs au jour du décès, a autorisé la CNSPA à l'accepter, à charge d'en affecter le montant à une action de l'association conformément à la volonté de la testatrice. Peu important, pour les juges du fond, que l'affiliation de l'association soit postérieure au décès, dès lors que la CNSPA disposait de la capacité requise à cette date.

Censure de la Cour de cassation : la cour d'appel, en se déterminant au regard de la capacité d'une personne morale à laquelle elle n'a pas reconnu la qualité de légataire, a violé les articles 906 et 911 du Code civil visés ci-dessus.

A noter :

Seules certaines associations peuvent recevoir des libéralités autres que des dons manuels (Loi du 1-7-1901 art. 6 et 11 ; loi du 9-12-1905 art. 19 ; C. civ. loc. art. 21). Cependant, toute association peut, sans aucune autorisation spéciale, recevoir un don provenant d'un établissement public (Loi du 1-7-1901 art. 6, al. 1). En conséquence, l'appartenance à une union ou une fédération d'utilité publique permet à une association membre de bénéficier de dons ou de legs lorsqu'ils transitent par cette union ou cette fédération.

La Cour de cassation a donc, antérieurement, admis que, lorsqu'un legs est fait à une association incapable de la recevoir, la fédération d'utilité publique dont elle est membre peut le revendiquer à condition d'en affecter le montant à une action de cette association conformément à la volonté du testateur (Cass. 1e civ. 16-9-2010 no 09-68.221 F-D : BAF 6/10 inf. 196 ; Cass. 1e civ. 23-3-2011 no 09-70.186 F-D : BAF 3/11 inf. 97).

Les juges du fond ont même admis que peu importe que l'affiliation soit postérieure au décès dès lors que la capacité requise à cette date est celle de l'établissement public qui accepte le legs (CA Paris 7-12-2016 no 15/22361 : BAF 1/17 inf. 6).

Cette dernière solution nous paraît condamnée par l'arrêt du 14 avril 2021 de la première chambre civile de la Cour de cassation : un établissement d'utilité publique ne peut pas être autorisé à revendiquer un legs pour le compte d'une association dès lors que celle-ci s'est affiliée postérieurement au décès du testateur, faute que puisse lui être reconnue la qualité de légataire à la date à laquelle le legs produit ses effets.

En revanche, cette décision ne nous semble pas remettre en cause la possibilité pour un établissement d'utilité publique, auquel est affiliée, au jour du décès, une association inapte à recevoir la libéralité dont elle est gratifiée, de se voir reconnaître la qualité de légataire et d'accepter le legs, à charge pour lui d'en affecter le montant à une action de l'association.

En tout état de cause, on ne peut que recommander aux testateurs et à leurs conseils d'introduire ce mécanisme dans leurs dispositions testamentaires dès lors qu'ils entendent gratifier une association n'ayant pas la capacité requise.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne
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Fiche Pratique fiche pratique | Patrimoine - Notaires

Congrès des notaires de Nice : aperçu des travaux et réflexions des 3 commissions

Trois axes, mettant toujours l’Homme au centre des préoccupations, pour étudier le numérique et son impact sur les règles de droit. Olivier Herrnberger, Olivier Boudeville et Manuella Bourassin lèvent le voile sur les travaux qui seront présentés à Nice du 23 au 25 septembre.

Conférence de presse, 19 mai 2021


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©Congrès des notaires de France

Le 117e Congrès des notaires, qui a pour thème « Le numérique, l’Homme et le droit », se tiendra à Nice les 23, 24 et 25 septembre 2021. Olivier Herrnberger, Président du Congrès, Olivier Boudeville, Rapporteur général et Manuella Bourassin, Rapporteur de synthèse ont présenté, le 19 mai 2021, quelques-unes des pistes de travail des commissions.

Dans le triptyque de l’intitulé du Congrès, « l’Homme est au milieu car il est au centre de l’approche » fait valoir O. Hernnberger en introduction. S’il y a beaucoup d’études sur le numérique en tant qu’outil, il en existe très peu qui soient transversales. L’équipe du Congrès s’est attachée à montrer comment le numérique modifie non seulement les usages mais aussi la règle de droit au service des citoyens, explique-t-il. O. Boudeville complète avec le paradoxe mis en évidence par les travaux  « L’immédiateté et la mondialisation qui caractérisent le numérique modifient le rapport au temps et à l’espace ; elles impactent la règle de droit. Et pourtant, cette règle peut-elle être différente dans les mondes matériel et immatériel ? ».

Il poursuit en détaillant les grandes lignes des travaux des 3 commissions.

La première, axée sur les personnes, a identifié trois difficultés particulières qui imposent une réévaluation des règles en vigueur : la fracture sociale numérique, la dématérialisation imposée dans les relations avec les services de l'Etat et le questionnement de l'identité et de la responsabilité. « La commission, annonce-t-il, aura notamment des propositions pour améliorer la protection et l’assistance des personnes vulnérables dans le maniement des outils numériques ; elle soumettra aussi des solutions en matière de mort numérique et de transmission des données personnelles en proposant une réécriture des dispositions de la loi relative aux directives anticipées ».

La 2e commission est centrée sur le patrimoine numérique. « Ses membres ont effectué un gros travail de qualification des choses et des actifs numériques » insiste O. Boudeville, car il s’agit d’un préalable nécessaire pour déterminer les solutions juridiques à apporter ainsi que les évolutions inévitables ou souhaitables. Le congrès s’intéressera aux liquidations et partages des régimes matrimoniaux et des successions en présence d'actifs numériques, ainsi qu’aux règles de forme des testaments. « Nous avons ainsi réfléchi à l’opportunité d’un testament plus nécessairement écrit en entier de la main du testateur », ajoute-t-il. Le travail s'est aussi nourri de celui du «  notariat québécois qui a mis au point une technique pour recenser les actifs numériques dans le cadre de l'audit patrimonial » précise O. Herrnberger. 

Enfin, la 3e commission a travaillé sur le contrat.  Le rapporteur général livre l'analyse de ses membres : « à l’heure des blockchains et des smart contrats, les professionnels du droit sont amenés à repenser leur rôle qui est loin d’être amoindri ». Le notaire doit accompagner et sécuriser ; des propositions seront faites en ce sens. Avec une relecture des règles de formation et d’exécution du contrat sous le prisme du numérique, la commission s'est notamment intéressée au recueil du consentement à l'occasion d'un acte à distance. « Il y aura notamment une proposition autour des prérequis que sont le consentement éclairé et la sécurité juridique », confirme O. Boudeville. Par ailleurs, « la conservation des actes, fonction qui pouvait sembler désuète trouve en réalité une grande importance, souligne-t-il, car un cloud peut changer de propriétaire ou disparaître selon l’évolution de la société qui l’exploite quand, au contraire, les archives papier ou numériques d’un notaire sont totalement sécurisées ».

La professeure et rapporteur de synthèse, Manuella Bourassin, termine la présentation en soulignant « l’originalité du thème par l’ampleur et la transversalité de son approche » ainsi que son utilité « les travaux mêlant technicité et humanité ». Elle met en avant la légitimité des notaires sur ces sujets compte-tenu de leur avance en matière de dématérialisation et de leurs missions. « Le cyber notaire est aujourd’hui bien plus proche de la réalité que l’image balzacienne de la Profession », conclut-elle.

Pour finir, le Président du Congrès rappelle que le rapport est consultable dans son intégralité sur le site du Congrès et que l’évènement sera hybride : « le numérique ne remplace par le physique, les deux auront leur place, reflétant l'esprit de nos travaux ».

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne