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Fusions et scissions sans échange de titres : un nouveau règlement de l’ANC sur leur traitement comptable

L’ANC indique les conséquences comptables du nouveau régime juridique simplifié visant à faciliter les opérations de f usions entre sociétés sœurs et les scissions au profit de sociétés sœurs.


Par - PWC, Auteur du Mémento comptable
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L’ANC indique les conséquences comptables du nouveau régime juridique simplifié visant à faciliter les opérations de fusions entre sociétés sœurs et les scissions au profit de sociétés sœurs.

De nouveaux allègements pour les entreprises depuis juillet 2019

Dans le cadre de la simplification du droit des sociétés, la loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, dite loi « Soilihi », a allégé le régime juridique des fusions et opérations assimilées.

Jusqu’à présent, le régime de fusion simplifiée prévoyant des procédures allégées était applicable aux opérations d’absorption :

  • de filiales détenues à 100 % par la société absorbante (C. com. art. L 236-11) ;

  • de filiales dont la société absorbante détient au moins 90 % des droits de vote (C. com. art. L 236-11-1).

La loi Soilihi a étendu le bénéfice du régime de fusion simplifiée aux opérations suivantes :

Fusions entre sociétés sœurs détenues à 100 % par la même société mère (ou dont celle-ci détient au moins 90 % des droits de vote)

Sont visées les opérations entre sociétés sœurs lorsque, depuis le dépôt du projet de fusion jusqu’à la réalisation de l’opération, une même société détient en permanence 100 % du capital de la société absorbante et de la société absorbée.

Dans ces cas, le régime simplifié des fusions permet d’éviter (C. com. art. L 236-3 et L 236-11 modifiés par la loi précitée) :

  • l’échange de titres et donc, l’émission de titres par la société absorbante pour rémunérer les apports (pour les fusions entre sociétés détenues à 100 % uniquement) ;

  • la tenue d’une assemblée générale extraordinaire (AGE) de la société absorbante et de la société absorbée ;

  • l’établissement d’un rapport par le conseil d’administration de la société absorbante et de la société absorbée ;

  • l’intervention d’un commissaire aux apports / à la fusion.

A noter :

S’agissant de sociétés sœurs détenues à 90 % :

  • une émission de titres reste prévue pour rémunérer la fusion ;

  • la dispense de tenue des AGE est limitée à celle de la société absorbante ;

  • la dispense de rapport des dirigeants et du commissaire à la fusion et aux apports suppose que les actionnaires minoritaires se soient vu proposer le rachat de leurs actions par la société absorbante préalablement à la fusion.

Scissions au profit de sociétés sœurs détenues à 100 % par la même société mère

Sont visées les opérations de scission d’une société au bénéfice de plusieurs sociétés sœurs dans lesquelles la société scindée et les sociétés bénéficiaires sont toutes filiales à 100 % d’une même société mère.

La loi permet que les sociétés bénéficiaires des apports n’émettent pas de titres pour rémunérer l’apport (C. com. art. L 236-3 modifié par la loi précitée). En revanche, attention, en l’état actuel des textes (et sans doute du fait d’une erreur de plume du législateur liée à la suppression d’un renvoi du régime des scissions vers celui des fusions), la simplification demeure inachevée à ce jour dans la mesure où les dispositions prévues par l’article L236-11 du Code de commerce ne sont pas applicables aux scissions. En conséquence, il reste obligatoire de procéder :

  • à l’approbation de la scission par l’AGE de la société scindée et des sociétés sœurs bénéficiaires des apports ;

  • à l’établissement d’un rapport émis par le conseil d’administration de l’ensemble des entités impliquées dans l’opération de scission ;

  • à la nomination d’un commissaire aux apports / à la scission.

A noter :

Une exception à l’ensemble de ces obligations existe et est actuellement prévue par l’article L236-17 du Code de commerce. Il s’agit du seul cas des scissions au profit de sociétés anonymes constituées par les seuls apports de la société scindée.

Apport partiel d’actif d’une société mère à une filiale détenue à 100 % et inversement

Lors d’un apport partiel d’actif à une filiale détenue à 100 %, deux cas de figure sont à distinguer :

  • lorsque l’apport partiel d’actif est placé sous le régime juridique des scissions, le nouveau régime simplifié des fusions prévoit :

    • une dispense d’approbation de l’apport par les AGE de la société apporteuse et de la société bénéficiaire des apports ;

    • une dispense de l’émission des rapports par le conseil d’administration de la société apporteuse et de la société bénéficiaire ;

    • ainsi que de la nomination d’un commissaire aux apports / à la scission (C. com. art. L 236-22 modifié par la loi précitée) ;

  • à défaut, aucune de ces dispenses n’est prévue. En pratique, cela vise les apports de titres lorsqu’ils sont exclus du régime juridique des scissions

Par ailleurs, quel que soit le régime juridique retenu, la société bénéficiaire devra émettre des titres pour rémunérer l’apport reçu de sa société mère. La loi n’apporte aucune modification sur ce point.

A noter :

L’apport partiel d’actif est donc complètement exclu du champ d’application du règlement ANC n°2019-06 qui est strictement réservé aux opérations n’entrainant pas d’échange de titres (voir ci-après).

En synthèse, le tableau ci-après, établi par nos soins, récapitule les obligations suivant le type d’opération envisagée.

Obligations

Fusion entre 2 sociétés sœurs détenues à 100%

Scission au profit de sociétés sœurs détenues à 100% 

APA à une filiale détenue à 100% placé sous le régime juridique des scissions

APA à une filiale détenue à 100% non placé sous le régime juridique des scissions

Approbation par AGE de l’absorbante/bénéficiaire des apports et de l’absorbée/apporteuse

Non

Oui

Non

Oui

Rapports à établir par le CA de l’absorbante/ bénéficiaire des apports et de l’absorbée/ apporteuse

Non

Oui

Non

Oui

Nomination d’un commissaire aux apports / à la fusion/scission 1

Non

Oui

Non

Oui

Émission de titres

Non

Non

Oui

Oui

Champ d’application du règlement ANC 2019-06

Oui

Oui

Non

Non

1. En l’état actuel des textes, les scissions entre sociétés sœurs détenues à 100 % ne font, pour le moment, pas l’objet d’un allègement d’obligations (sauf en cas des scissions au profit de sociétés anonymes constituées par les seuls apports de la société scindée pour lesquelles des simplifications sont déjà prévues à l’article L 236-17 du Code de commerce).

Le règlement de l’ANC vient encadrer le traitement comptable des opérations simplifiées réalisées sans échange de titres

Suite à la publication de la loi Soilihi, l’ANC vient de publier le règlement n° 2019-06 du 8 novembre 2019. Actuellement en cours d'homologation, ce règlement vise à encadrer la traduction comptable de ces nouvelles opérations de fusions et scissions simplifiées sans échange de titres.

Les principaux points d’attention à retenir de ce règlement sont les suivants :

Quelle méthode de valorisation des apports retenir pour ce type d’opérations ?

Le règlement ANC n° 2019-06 vient modifier les dispositions du PCG en incluant les fusions et scissions sans échange de titres dans le champ d’application des règles prévues par le PCG en matière de fusions et opérations assimilées. En conséquence, s’agissant d’opérations impliquant des entités sous contrôle commun, les apports sont évalués à la valeur comptable (PCG art. 743-1 modifié).

En l'absence d'échange de titres et d’augmentation de capital, quelle est la contrepartie des apports prévue chez l'entité absorbante ?

Selon le nouveau règlement, la contrepartie des apports est inscrite en report à nouveau de l’entité absorbante / des entités bénéficiaires des apports en cas de scission (PCG art. 746-1 nouveau).

Jusqu’à présent, les apports étaient comptabilisés en contrepartie d’une augmentation de capital social de l’entité absorbante (ou des entités bénéficiaires des apports) et par la constitution d’une prime de fusion (ou d’apport), pour la différence entre la valeur des apports et l’augmentation de capital social.

A noter :

Ces opérations vont continuer de majorer la capacité de distribution des entités absorbante, avec un effet favorable même, puisque la partie qui était auparavant constatée en augmentation de capital sera désormais incluse dans un compte distribuable. Toutefois, le traitement fiscal de cette distribution peut comporter des inconvénients.

Dans le cas d’un actif net apporté négatif, la capacité distributive de la société absorbante se trouvera en revanche dégradée.

Auparavant, en cas d’actif net apporté insuffisant ou négatif, l’opération devait être réalisée à la valeur réelle pour permettre de libérer le capital (PCG art 743-3, application de la dérogation permettant l’utilisation, sous certaines conditions, de la valeur réelle en lieu et place de la valeur comptable). Le recours à cette dérogation est désormais interdit.

Comment constater la disparition des titres de l’entité absorbée ou scindée chez l’entité détentrice ?

S’agissant de la fusion sans échange de titres, le nouveau règlement indique que la valeur brute des titres de l’entité qui disparait est ajoutée à la valeur brute des titres de l’entité absorbante dans les comptes sociaux de l’entité détentrice. De même, les éventuelles dépréciations des titres de l’entité qui disparait sont ajoutées aux éventuelles dépréciations des titres de l’entité absorbante (PCG art. 746-2 nouveau). Cela revient donc à procéder à une addition du coût historique des titres de l’entité absorbée dissoute à celui des titres de l’entité absorbante chez le détenteur, sans effet sur son résultat comptable.

A noter :

Après avoir additionné la valeur brute d’une part, et la dépréciation d’autre part, il conviendra, dans un second temps, de revoir la valeur d’utilité de l’ensemble des titres de la société absorbante, conformément aux règles générales posées par le PCG (art. 221-3). Si la valeur d’utilité des titres du nouvel ensemble est supérieure à leur valeur nette comptable (correspondant à la somme des valeurs nette comptables pré-opération de fusion), la dépréciation comptabilisée préalablement à la fusion sur les titres de la société qui disparaît est à reprendre.

S’agissant de la scission sans échange de titres, le nouveau règlement indique que la valeur des titres et les éventuelles dépréciations de l’entité qui disparait sont réparties entre les titres des entités bénéficiaires des apports dans les comptes de l’entité détentrice au prorata de la valeur réelle des apports transmis à chacune des entités bénéficiaires (PCG art. 746-2 nouveau).

Les modalités de calcul permettant de procéder à cette répartition, pour chacune des entités bénéficiaires, sont synthétisées dans l’exemple ci-après, établi par nos soins.

Exemple :

Nous reprenons les données du schéma précédent concernant une scission au profit de sociétés sœurs (détenues à 100 %) et impliquant les sociétés M, A, Newco 1 et Newco 2).

Avant fusion :

VNC Titres A = 1 200

Par hypothèse, la valeur réelle (VR) globale des apports est de 4 500, répartie de la manière suivante :

  • VR de la branche d’activité apportée à Newco 1 = 3 000

  • VR de la branche d’activité apportée à Newco 2 = 1 500

Calcul de la répartition de la VNC des titres A :

  • La valeur comptable des titres de Newco 1 est de 800, soit 1 200 (VNC Titres A pré-scission) x 3 000 (VR branche apportée à Newco 1) / 4 500 (VR globale des apports) = 800

  • Si, préalablement à la scission, M détient 100 actions de Newco 1 évalués à 100 (1 / action), la valeur comptable unitaire des titres Newco 1 post-scission s’établit à : 1 + (800 / 100) = 9

  • La valeur comptable des titres Newco 2 est de 400, soit 1 200 (VNC Titres A pré-scission) x 1 500 (VR branche apportée à Newco 2) / 4 500 (VR globale des apports) = 400

Enfin, si des dépréciations des titres de l’entité dissoute existent avant l’opération, elles sont ajoutées aux dépréciations des titres de l’entité bénéficiaire des apports dans les comptes de l’entité détentrice. Ensuite, une nouvelle valeur d’utilité des titres de la société bénéficiaire des apports est déterminée conformément à l’article 221-3 du PCG. Le cas échéant, le montant de la dépréciation est donc ajusté.

À partir de quand le règlement ANC n°2019-06 est-il applicable ?

Actuellement en cours d’homologation, il est prévu que le règlement ANC n° 2019-06 soit homologué avant la fin de l’année 2019. Il devrait donc, selon nos informations, être applicable aux opérations sans échange de titres réalisées au cours des exercices clos à compter du 31 décembre 2019, c’est-à-dire y compris les opérations réalisées depuis le 21 juillet 2019 (date d’entrée en vigueur de la loi).

En revanche, ne seraient donc pas concernées par ce règlement, les opérations réalisées depuis le 21 juillet 2019 par des entreprises qui clôturent leurs comptes annuels avant le 31 décembre 2019.

Quelles sont les conséquences fiscales de ces opérations ?

En l’état actuel des textes :

  • les fusions sans échange de titres ne peuvent bénéficier du régime de faveur que si elles sont réalisées entre une société mère et sa filiale détenue à 100 % (CGI art. 210 0-A) ;

  • les fusions de sociétés sœurs détenues à 100 % par la même mère et les scissions de sociétés réalisées au profit de sociétés sœurs détenues à 100 % par la même mère ne sont, en revanche, pas concernées.

À l’heure où nous publions ces commentaires, plusieurs amendements  déposés ou adoptés au cours de la discussion parlementaire du projet de loi de finances pour 2020 permettraient :

  • de bénéficier du régime de faveur en cas de fusion ou de scission entre sociétés sœurs détenues à 100 %  par la même mère, réalisées à compter du 21 juillet 2019 ;

  • d’éviter la constatation d’une variation d’actif net imposable chez la société absorbante ;d’aligner le régime des distributions du report à nouveau comptabilisé à l’occasion d’une fusion ou scission sans échange de titres sur celui de la distribution des primes de fusion.

Des précisions techniques seraient également apportées sur les règles à retenir pour le décompte du délai de détention des titres de la société absorbante en vue de l’application du régime des plus et moins-values à long terme lors de leur cession ultérieure, et sur les conséquences de ces opérations de fusions ou scissions à l’égard du régime mère-filles.

Nous consacrerons un article à ces mesures à la suite de leur adoption définitive, dans notre prochain FRC 2/20.

L'ESSENTIEL :

La loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019, dite loi « Soilihi », a simplifié le régime juridique des fusions et opérations assimilées :

  • d’une part, en étendant à certaines opérations le bénéfice du régime des fusions simplifiées (dispense d’AGE des sociétés absorbante et absorbée, du rapport des dirigeants et de l’intervention des commissaires à la fusion et aux apports) ;

  • d’autre part, en prévoyant que dans le cadre des fusions / scissions entre sociétés sœurs détenues à 100 % par la même société mère, il n’y a plus lieu d’émettre des titres des sociétés absorbante / bénéficiaires des apports en rémunération des apports effectués.

  • chez les sociétés absorbante / bénéficiaires des apports :

    • une valorisation des apports à la valeur comptable ;

    • et une constatation de la contrepartie de l’apport en report à nouveau, que l’actif net apporté soit positif ou négatif ;

  • chez l’actionnaire : la valeur brute et les éventuelles dépréciations des titres de l’entité dissoute sont :

    • dans le cas d’une fusion, ajoutées à la valeur des titres de l’entité absorbante ;

    • dans le cas d’une scission, réparties entre les titres des entités bénéficiaires au prorata de la valeur réelle des apports transmis à chaque bénéficiaire.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne