Comment évaluer les immobilisations corporelles, incorporelles et financières ?
. Dans ce contexte de crise sanitaire mondiale, les entreprises vont très vraisemblablement devoir revoir leurs business plans et reconsidérer l’évaluation de leurs actifs.
Mais prévoir le futur est toujours un exercice délicat, surtout en période de fortes incertitudes comme c'est le cas avec cette crise sanitaire et économique inédite à l’échelle mondiale. De nombreuses inconnues existent, rendant en effet l’exercice d’évaluation difficile : quand la demande va-t-elle reprendre (ce qui dépendra des mesures d’assouplissement du confinement, de déconfinement, puis également de la confiance des acteurs économiques, donc de la capacité de rebond de l’entreprise) ? Quelles aides l’État va-t-il fournir ? Autant de questions auxquelles il est difficile de répondre aujourd’hui.
Nous rappelons ci-après :
- d’une part, les principes comptables applicables à l’évaluation des immobilisations corporelles, incorporelles et financières (notamment en termes de regroupement d’actifs et d’évaluation de la valeur actuelle) ;
- d’autre part, les bonnes pratiques en matière de mise en œuvre de ces évaluations dans un contexte de crise.
Faut-il procéder à un test de dépréciation des immobilisations à la clôture 2020 ?
Immobilisations financières
.Oui. Qu'il s'agisse de titres de participation, de Tiap ou d'autres titres immobilisés, le coût d’entrée de l’actif est comparé à sa valeur d’inventaire à chaque clôture (C. com. art. L 123-18), même s’il n’existe pas d’indice de perte de valeur à la clôture.
Il en est de même pour les titres mis en équivalence dans les comptes consolidés. La valeur comptable consolidée des titres mis en équivalence est comparée à leur valeur d’inventaire à chaque clôture.
Sur l’incidence d’un test réalisé sur la base d’une valeur d’inventaire estimée à une autre date que la date de clôture, voir n° 15.
Fonds commerciaux et écarts d’acquisition non amortis
.Oui. Pour les fonds commerciaux dont la durée d'utilisation est non limitée, le test de dépréciation est réalisé à chaque clôture qu'il existe ou non un indice de perte de valeur (C. com. art. L 123-18 et PCG art. 214-15).
Il en est de même pour les écarts d’acquisition non amortis (CRC 99-02, § 21130).
Sur l’incidence d’un test réalisé sur la base d’une valeur d’inventaire estimée à une autre date que la date de clôture, voir n° 15.
Autres immobilisations corporelles et incorporelles
. Le test de dépréciation n'est obligatoire à la clôture que lorsqu'il existe un indice de perte de valeur à cette date (PCG art. 214-15).
La question est donc celle de savoir s’il existe ou non un indice de perte de valeur à la clôture.
Clôtures janvier et février 2020
. Pour rappel, avant le 11 mars, date à laquelle l’OMS a classé l’épidémie de Covid-19 en pandémie mondiale, le virus était réputé localisé dans certaines zones géographiques (Chine, Italie…) et la situation des entreprises était différente en fonction de leur secteur d’activité, de leur implantation géographique, de celle de leurs clients et fournisseurs.
Selon l’ANC (Communiqué du Collège de l’ANC du 2 avril 2020 relatif aux conséquences du Covid-19 sur les comptes au 31 décembre 2019, § 1 ; voir FRC 5/20 inf. 2), une analyse doit donc être conduite, par chaque entité, au regard de ses activités et de la zone géographique dans laquelle elle exerce ses affaires (approvisionnement, production, débouchés…), pour déterminer si l’épidémie de Covid-19 a pris naissance au cours de l’exercice, ou postérieurement à l’exercice.
Pour plus de détails sur l’analyse à mener pour déterminer la situation dans laquelle la société se trouve, voir FRC 5/20 inf. 2.
Si, au terme de cette analyse, il est démontré (pour toutes ou certaines des activités de l’entité) que l’épidémie de Covid-19 a pris naissance au cours de l’exercice, les comptes doivent obligatoirement tenir compte de cet événement et de ses conséquences, y compris post-clôture (pour celles dont la survenance ultérieure pouvait raisonnablement être attendue). L’analyse de l’indice de perte de valeur est identique à celle effectuée pour les clôtures mars 2020 (voir ci-après n° 6).
Si, au contraire, l’analyse démontre que l’épidémie de Covid-19 a pris naissance postérieurement à l’exercice et sauf s’il existe un indice de perte de valeur indépendant des effets du Covid-19, seule une information doit être donnée en annexe au titre des événements postérieurs à la clôture.
Dans ce dernier cas, l’ANC a indiqué que les impacts post-clôture de l’évolution du Covid-19 sur la valeur comptable des actifs, connus et estimables à la date d’arrêté des comptes, ainsi que les incertitudes susceptibles d’affecter la pertinence de l’information comptable telle que présentée à la clôture doivent être donnés en annexe (voir FRC 5/20 inf. 1 et le FRC 6/20 inf. 1).
Ainsi :
- si l’entreprise a les moyens et la visibilité suffisante pour effectuer un nouveau test de dépréciation post-clôture, sur la base d’hypothèses modifiées tenant compte des effets de la crise sanitaire, elle peut le faire et indiquer en annexe l’impact sur le poste dépréciation des immobilisations ;
- en revanche, lorsqu’aucune estimation ne peut être faite, l’entreprise peut se contenter d’une information de nature qualitative plutôt que quantitative.
Dans tous les cas, le jugement exercé par la direction pour le traitement comptable retenu pour traiter les conséquences post-clôture de l’épidémie de Covid-19 devra, à notre avis, être indiqué en annexe.
Exemple :
Une entité fournissant des supermarchés clôture en février 2020. Elle écoule ses produits sur deux marchés principaux, l’Asie et l’Europe du Nord. Son analyse la conduit à conclure que l’épidémie de Covid-19 a pris naissance :
- au cours de l’exercice, pour son activité en Asie. Dans ce cas, elle doit poursuivre son analyse pour déterminer s’il existe un indice de perte de valeur à la clôture (voir n° 6) ;
- au cours de l’exercice suivant, pour son activité en Europe. Dans ce cas, elle doit fournir une information (chiffrée si possible) en annexe sur la perte de valeur identifiée post-clôture.
Clôtures à compter de mars 2020
. Selon l’ANC (Communiqué précité, § 1 ; voir FRC 5/20 inf. 2), l’épidémie de Covid-19 a nécessairement pris naissance dans l’exercice et les comptes doivent obligatoirement tenir compte de cet événement et de ses conséquences jusqu’à la date d’arrêté des comptes.
Toutefois, l’événement Covid-19 ne constitue pas à lui seul un indice de perte de valeur. Ce sont les conséquences de l’épidémie qui sont susceptibles de constituer un indice de perte de valeur à la clôture si :
- d’une part elles répondent à la définition d’un indice de perte de valeur ;
Pour rappel constitue notamment un indice de perte de valeur (PCG art. 214-15 et Recueil de l’ANC sous l’art. 214-16) : une diminution de la valeur de marché de l’actif, des changements importants dans l'environnement économique ou dans le mode d'utilisation de l'actif (plans d'abandon, restructuration…)…
- d’autre part, lorsqu’elles sont post-clôture, un lien avec des conditions existant à la clôture peut être établi, c’est-à-dire si elles pouvaient raisonnablement être attendues à la clôture.
À notre avis, pour beaucoup d’entreprises des indices de perte de valeur seront présents compte tenu des conséquences économiques liées à l’épidémie de Covid-19. Dans ce cas, elles devront procéder à un test de dépréciation de leurs immobilisations à la clôture.
Pour autant, si une entreprise juge au contraire qu’étant donné la nature de son activité et les informations externes concernant l’évolution de la situation (OMS, Gouvernement, analystes…), son environnement économique et le marché dans lequel elle intervient ne devraient pas être touchés durablement par cet événement et que les effets à court terme n’ont pas d’effet significativement négatif pour constituer un indice de perte de valeur, aucun test de dépréciation n’est à réaliser.
Ce cas pourrait être de plus en plus fréquent au fur et à mesure que les mois passent, si l’épidémie se résorbe, l’information concernant les évolutions possibles de cette épidémie évoluant de jour en jour.
Dans tous les cas, le jugement exercé par la direction pour le traitement comptable retenu pour traiter les conséquences post-clôture de l’épidémie de Covid-19 devra, à notre avis, être indiqué en annexe.
Exemple 1 : une entité spécialisée dans l’évènementiel clôture en mars 2020. Elle intervient exclusivement sur le marché local français. Du fait de l’épidémie de Covid-19, elle est contrainte d’annuler tous ses contrats en cours et son carnet de commande se vide. Elle doit mettre son personnel en chômage technique et rembourser les acomptes reçus sur les évènements annulés qui ne pourront pas être reportés. Elle n’entrevoit pas de retour à une activité « normale » avant 2 ans. Elle identifie donc un indice de perte de valeur.
Exemple 2 : une entité spécialisée dans l’énergie clôture en mars 2020. Elle intervient exclusivement sur le marché local français. Malgré l’épidémie de Covid-19, elle a pu continuer de produire en mettant en place les mesures de sécurité nécessaire. Toutefois, avec le confinement général des populations, la demande électrique a chuté et la consommation des usines, du tertiaire et des écoles s’est déplacé vers la consommation des foyers. Et elle s’attend à des conséquences durables, voire à ne jamais retrouver une activité « normale ». Elle identifie donc un indice de perte de valeur.
Quelles estimations retenir pour la valeur d’inventaire ?
Immobilisations corporelles et incorporelles
La valeur d’usage…
. À la date de clôture, la valeur nette comptable d’une immobilisation corporelle ou incorporelle est comparée à la valeur d’inventaire (C. com. art. L 123-18, al. 2) qui est en général la valeur d'usage (lorsqu’elle est plus élevée que la valeur vénale ; PCG art. 214-66 ; voir MC 26875).
Cette valeur d’inventaire peut, dans certains cas, avoir été estimée avant la date de clôture (C. com. art. L 123-12). Sur les conséquences d’une telle pratique, voir n° 15.
… du groupe d’actifs auquel l’immobilisation appartient
. En général, il n'est pas possible de déterminer la valeur d’usage d'une immobilisation prise isolément. Il convient donc de déterminer la valeur d’usage du groupe d'actifs auquel elle appartient (PCG art. 214-15).
Selon la note de présentation du règlement ANC 2015-06, les actifs sont regroupés (et le test de dépréciation réalisé) au niveau auquel l’entité gère et suit ses activités (par ligne de produits, secteurs d'activité, implantation géographique…).
Sur la manière d’affecter aux groupes d’actifs :
- les fonds commerciaux, voir Mémento Comptable n° 32010 ;
- les actifs de support (immeuble du siège social, équipement informatique, centre de recherche, marque…), voir Mémento Comptable n° 27735 ;
- l’écart d’acquisition dans les comptes consolidés (Règl. CRC 99-02), voir Mémento Comptes consolidés nos 5196 s.
Notons que, dès lors que l’entreprise a l’intention de vendre un actif ou de l’abandonner, cet actif devrait, à notre avis, être testé seul sur la base (voir MC 27730) :
- de sa valeur vénale, en cas de vente ;
- d’une valeur nulle en cas d’abandon. Une dépréciation est alors nécessairement constituée.
La valeur d’usage est calculée sur la base d’une méthode de projection de cash-flows actualisés
. La valeur d’usage correspond à la valeur obligatoirement actualisée des flux nets de trésorerie attendus de l'actif ou du groupe d'actifs (PCG art. 214-6).
Les projections de flux de trésorerie utilisées pour déterminer la valeur d’usage distinguent généralement (voir MC 26915) :
- une période couverte (pas au-delà de 5 ans sauf cas particulier) par des documents prévisionnels pluriannuels les plus récents et élaborés par le niveau approprié de la direction ; ces projections représentent la meilleure estimation des conditions d’utilisation de l’actif et sont déterminées sur la base de l’actif dans son état actuel ;
- une période couverte par les flux extrapolés ;
- et, le cas échéant, une estimation d’une valeur de sortie.
En général, les flux de trésorerie sont actualisés à partir du WACC (« Weighted Average Cost of Capital ») qui correspond au coût moyen pondéré des différentes sources de financement de l'entreprise (capital et dette).
Le WACC tient compte du taux de l'IS, ainsi que des taux sans risques corrigés des risques spécifiques à l’actif dans la perspective de son utilisation dans le groupe d’actifs (risque de marché, risque propre à l'entreprise).
En revanche, il ne doit pas refléter les risques et avantages déjà pris en compte dans les estimations de flux de trésorerie.
Immobilisations financières
Une valeur fonction du marché et de l’utilité…
. Les titres immobilisés de l'activité de portefeuille (TIAP) sont évalués à une valeur qui tient compte des perspectives d'évolution générale de l'entité dont les titres sont détenus et qui est fondée, notamment, sur la valeur de marché (PCG art. 221-5). Voir MC 35790.
La société peut donc ne pas retenir l'aspect instantané du cours de Bourse pour les titres cotés ou le prix auquel de récentes transactions ont été effectuées sur des titres non cotés.
Les autres titres immobilisés sont évalués (PCG art. 221-6, voir MC 35845 s.) :
- pour les titres cotés, au cours moyen du dernier mois ;
- pour les titres non cotés, à leur valeur probable de négociation.
Pour ces titres, la baisse du cours, le prix stipulé de transactions récentes a donc directement un impact sur la valorisation à la clôture.
Le sujet de la dépréciation des titres de participation, en revanche, est spécifique aux comptes sociaux, seuls les titres de participation des sociétés exclues du périmètre de consolidation étant comptabilisés en tant que tels dans les comptes consolidés.
Les titres de participation, cotés ou non, sont évalués pour leur valeur d'utilité représentant ce que l'entreprise accepterait de décaisser pour obtenir cette participation si elle avait à l'acquérir (PCG art. 221-3). Voir MC 35705.
Enfin, dans le cadre spécifique des comptes consolidés, les titres mis en équivalence sont généralement évalués conformément aux principes généraux d’évaluation des titres de participation, au plus faible des deux montants suivants (voir MConso 4272) :
- valeur comptable consolidée des titres mis en équivalence, celle-ci comprenant, le cas échéant, la valeur comptable de l’écart d’acquisition, même si celui-ci est comptabilisé sur une ligne séparée (Règl. CRC 99-02 § 291 renvoyant au § 2113) ;
- valeur d’utilité des titres mis en équivalence, celle-ci représentant ce que l’entreprise accepterait de décaisser pour obtenir cette participation si elle avait à l’acquérir.
Pour les titres de participation et les titres mis en équivalence, une baisse des cours de bourse ne peut donc avoir systématiquement une incidence sur la valeur d'utilité (voir n° 44).
Ces valeurs d’inventaire peuvent, dans certains cas, avoir été estimées avant la date de clôture (C. com. art. L 123-12). Sur les conséquences d’une telle pratique, voir n° 15.
… de chaque ligne de titres…
. En général, les titres sont évalués ligne de titres par ligne de titres, ceux-ci n’étant pas fongibles entre eux (Bull. COB n° 209, décembre 1987).
Par ligne de titres il faut entendre ensemble de titres de même classe émis par la même entité.
… ou, à notre avis, d’un groupe d’actifs lorsque la valeur d’utilité d’un titre de participation n’existe pas au niveau des titres
. Dans certains cas particuliers, à notre avis, en l’absence de précision des textes, les titres devraient pouvoir être regroupés avec d’autres actifs (titres, immobilisations corporelles et incorporelles) pour être testés, notamment lorsque la valeur d’utilité ne peut être déterminée au niveau de la seule ligne de titres.
Tel pourrait être le cas, par exemple, lorsque les filiales (voir MC 35980) :
- sont faiblement autonomes et qu'il existe un fort degré d'intégration opérationnelle entre elles (production, approvisionnement, administration, marketing, gestion des ressources humaines…) ;
- réalisent des synergies entre elles ;
- et qu’il n’est pas prévu ni possible d’envisager de les revendre séparément au niveau strict de la structure juridique (un « carve-out » serait nécessaire en cas d’intention de céder).
Dans les comptes consolidés du groupe établis selon le règlement CRC n° 99-02, les activités de telles filiales seront testées au niveau auquel le management gère et suit ses activités sans avoir à réaliser de test de dépréciation à un niveau inférieur (PCG art. 214-15 et Note de présentation du Règl. ANC 2015-06). Ainsi, au niveau consolidé, tous les flux attachés aux activités des filiales seront regroupés dans un test de dépréciation commun.
Il devrait, à notre avis, pouvoir en être de même dans les comptes sociaux, en l’absence de précision dans les textes. Le PCG précise toutefois que les motifs d’appréciation sur lesquels repose la transaction d’origine peuvent être pris en considération pour l’estimation de la valeur d’utilité des titres (PCG art. 221-3), notamment les synergies réalisées avec les autres actifs détenus par l’entité.
En conséquence, à notre avis, il devrait être possible de regrouper les titres dont la valeur d’utilité dépend de ces synergies et celle-ci devrait être calculée :
- sur la base de cash-flows opérationnels ;
- potentiellement élargis par rapport aux cash-flows strictement « juridiques » (c’est-à-dire ceux existant aux bornes de la société juridique).
Un tel regroupement rejoindrait les règles spécifiques aux actifs corporels et incorporels (voir ci-avant n° 8). Dans de nombreux cas, il permettrait d’assurer une cohérence entre les comptes sociaux et les comptes consolidés, ces derniers :
- ne connaissant pas les « frontières juridiques » des actifs qu’ils consolident ;
- évaluant les groupes d’actifs au niveau auquel l’entité gère et suit ses activités (par ligne de produits, secteurs d'activité, implantation géographique…), en application des textes sur les immobilisations corporelles et incorporelles.
Pour plus de détails sur les faits et circonstances en faveur d’un regroupement des titres, voir FRC 11/17 inf. 2.
La valeur d’inventaire est calculée selon des modalités qui peuvent être diverses
. De nombreuses méthodes peuvent être mises en œuvre pour estimer la valeur d’inventaire des titres, qui dépendent notamment de leur classification (voir MC 35735).
Sur les TIAP, voir n° 10.
La valeur des autres titres immobilisés est déterminée sur la base du cours de bourse pour les titres cotés et sur la base de critères objectifs pour les titres non cotés, en retenant par exemple le prix stipulé de transactions récentes, la valeur mathématique, le rendement, l’importance des bénéfices, l’activité de la société ou encore l’ampleur et le crédit de l'entreprise.
La valeur d’utilité des titres de participation (et titres mis en équivalence dans les comptes consolidés) est déterminée sur la base des éléments suivants, à condition qu'ils ne proviennent pas de circonstances accidentelles (PCG art. 221-3 et aussi Bull. COB n° 209, décembre 1987 et Bull. CNCC n° 93, mars 1994, EC 93-54, p. 138 s.) :
- critères objectifs (cours moyens de Bourse du dernier mois, capitaux propres, rentabilité, motifs d'appréciation sur lesquels repose la transaction d'origine) ;
- éléments prévisionnels (perspectives de rentabilité, de réalisation, conjoncture économique) ;
- voire éléments subjectifs (utilité pour l'entreprise détenant la participation, etc.).
En pratique, plusieurs méthodes sont souvent mises en oeuvre : actif net comptable, cours de Bourse, cash-flows actualisés…
Pour sécuriser la valeur obtenue d'une évaluation, il est recommandé, dans le cadre de bonnes pratiques, d'adopter une approche « multicritères » consistant à mettre en œuvre plusieurs méthodes afin de corroborer la valeur retenue.
Dans quelles conditions un changement d’estimation est-il possible à la clôture 2020 ?
. Quelles que soient les modalités de détermination de la valeur d’inventaire retenues par la direction pour ses immobilisations corporelles, incorporelles et financières, elles doivent être (voir MC 26915 et 35735) indiquées en annexe (PCG art. 832-3/3) et appliquées de façon permanente à chaque clôture (Note de présentation de Règl. ANC 2015-06, § 2.3).
Toutefois, s'il apparaît à la clôture d'un exercice que les hypothèses retenues à la clôture précédente pour calculer les valeurs d’inventaire ne sont plus pertinentes, un changement d'estimation doit être réalisé dans le respect des conditions fixées à l'article 122-5 du PCG. Cela peut notamment être le cas en période d'incertitudes économiques, les paramètres retenus à la clôture précédente n’étant en général plus pertinents à la clôture.
Ainsi, par exemple, lorsque la méthode utilisée pour estimer la valeur d’inventaire est basée sur l’actualisation des cash-flows futurs, les paramètres suivants peuvent devoir être revus :
- le regroupement des actifs, notamment en cas de changement de stratégie ;
- le taux d’actualisation (voir n° 20) ;
- les hypothèses retenues pour calculer les flux de trésorerie, avec par exemple l’introduction de plusieurs scénarios (voir n° 16).
Lorsque la valeur d’usage est jugée non fiable et la valeur vénale retenue, il s’agit également d’un changement d’estimation.
Pour plus de détails sur la démarche à suivre pour adapter la méthode d’estimation des valeurs actuelles et d’utilité des immobilisations en période de crise, voir ci-après nos 15 s.
En pratique, quelle démarche retenir pour réévaluer les cash-flows actualisés lorsqu’un test doit être réalisé à la clôture 2020 ?
. Dans le contexte actuel de crise sanitaire et économique, on peut s’attendre, dans un grand nombre de cas, à des baisses significatives dans les valeurs boursières des sociétés. Cette baisse n’est évidemment pas à reporter à l’identique sur les actifs testés, la valeur d’inventaire à retenir dans la plupart des cas (voir ci-avant nos 7 et 10) étant différente de la valeur de marché.
Toutefois, compte tenu du contexte très incertain actuel :
- même si les méthodes habituellement retenues restent dans la plupart des cas valables (ce qui peut être discutable lorsqu’une société avait choisi d’estimer ses titres de participation au cours de Bourse…) ;
- elles doivent être adaptées, les paramètres retenus à la clôture précédente n’étant en général plus pertinents à la clôture (voir n° 14).
À notre avis, la démarche à suivre pour adapter la méthode d’estimation des valeurs d’inventaire des immobilisations comporte plusieurs dimensions :
- adapter les business plans (voir nos 16 s.) ;
- adapter le taux d’actualisation (voir n° 20) ;
- bien documenter (voir n° 21).
À noter : La valeur d’inventaire est estimée au moins une fois tous les douze mois (C. com. art. L 123-12) et pas nécessairement à la date de clôture.
Une entreprise a donc la possibilité de réaliser le test de dépréciation à la clôture sur la base d’une valeur d’inventaire estimée quelques mois avant la clôture si telle est son habitude.
À notre avis, si cette valeur a été estimée avant l’événement Covid-19 (par exemple, en décembre 2019 pour une clôture au 31 mars 2020) :
- si après analyse (voir nos 5 et 6), il est démontré que l’épidémie de Covid-19 a pris naissance au cours de l’exercice et qu’il existe un indice de perte de valeur à la clôture ;
- alors la valeur d’inventaire devrait être réestimée à la date de clôture en tenant compte des ajustements nécessaires du business plan et des autres hypothèses.
Revoir obligatoirement les business plans
Les scénarios doivent intégrer tous les impacts de la crise prévisibles à la clôture…
. Pour calculer les valeurs d’inventaire et évaluer les dépréciations en période d’incertitude économique, il convient, dans un premier temps, de renforcer la revue des business plans :
- pour intégrer les conséquences de l’épidémie ;
- jusqu’à la date d’arrêté des comptes, dès lors que ces conséquences pouvaient être raisonnablement attendues à la clôture.
En ce sens, la Note d'information CNCC NI. II (« Le commissaire aux comptes et les événements postérieurs à la clôture des comptes », février 2010, § 1.332) qui propose, parmi ses exemples d’événements post-clôture liés à des conditions existant à la clôture à prendre en compte dans l’évaluation d’une participation, les perspectives de réalisation ou de rentabilité récente, une modification de conjoncture, etc., ne permettant pas d’atteindre les objectifs fixés, sauf événement exceptionnel qui ne pouvait pas être anticipé à la clôture.
À noter : Lorsque l’évolution des business plans relevant de scénarios envisageables à la clôture est modifiée de façon significative :
- entre la date d’arrêté des comptes et celle d’établissement du rapport de gestion, une information complémentaire doit être donnée dans le rapport de gestion (C. com. art. L 232-1), sauf si l’entreprise choisit de procéder à un nouvel arrêté des comptes ;
- entre la date d’établissement du rapport de gestion et celle de l’assemblée générale, une information doit être donnée dans une communication appropriée à l'organe appelé à statuer sur les comptes (Note d'information CNCC NI. II « Le commissaire aux comptes et les événements postérieurs à la clôture des comptes », février 2010, § 1.221). Aucun texte ne précise toutefois quel est l’organe compétent en charge de cette communication ni la forme qu’elle doit prendre, écrite ou orale (en ce sens, Bull. CNCC n° 163, septembre 2011, CNP 2010-19, p. 585).
Sur les incidences sur la mission légale du commissaire aux comptes, voir le FRC 6/20 inf. 7.
… à court, moyen et long terme…
. En pratique, les mesures de confinement, interdictions de rassemblements et autres fermetures de certains établissements (ainsi que les aides) qui pouvaient raisonnablement être envisagées à la clôture, étant donné l’état d’urgence sanitaire déclaré à cette date, sont à prendre en considération pour revoir les prévisions à court terme, même lorsque ces décisions sont prises post-clôture.
En outre, les nouveaux business plans doivent également intégrer les impacts de l’épidémie de Covid-19 à plus long terme, en considérant :
- la durée de la crise économique, qui pourrait être différente selon les zones au titre des exportations, des importations… ;
- les désordres géographiques, politiques, économiques et sociaux dans certaines régions du monde ;
- les changements dans les perspectives d'exploitation et de croissance à long terme ;
- les nouveaux comportements de consommation à la sortie de cette crise sanitaire…
… y compris les aides d’État et autres indemnisations certaines dans leur principe
. Les business plans peuvent, à notre avis, tenir compte des aides d’État, des aides du groupe ou encore des indemnités d’assurance pour autant qu’elles soient certaines dans leur principe. Cela suppose :
- pour les aides d’État, qu’une loi soit votée à la date d’arrêté des comptes et que l’entreprise soit en mesure de démontrer qu’elle peut bénéficier de cette aide ;
- pour les aides attendues du groupe, que la lettre de confort émise par la société mère à sa filiale soit signée à la date d’arrêté des comptes, que la société mère soit tenue par une obligation de résultat et qu’elle ait les moyens d’aider sa filiale (voir MC 35980) ;
- pour les indemnités d’assurance, que le contrat prévoit expressément le cas d’indemnisation sans exclusion aucune, notamment les situations de crise sanitaire type pandémie ou autres.
En revanche, dès qu’elles deviennent à la fois certaines dans leur montant et acquises à l’exercice, ces aides et indemnisations sont exclues du calcul de la valeur d’inventaire et comptabilisées en produit à recevoir (voir MC 10350 et 45790). Il est en effet interdit de compenser des produits et des charges.
Renforcer les analyses de sensibilité ou adopter une approche probabiliste peut être nécessaire
. Cette revue est évidemment difficile à mettre en place en période de forte incertitude et volatilité, mais elle apparaît nécessaire, car les hypothèses retenues lors des tests de dépréciation précédents (même s’ils ont été réalisés au 31 décembre 2019) ne sont probablement plus appropriées pour l'arrêté des comptes 2020 (voir n° 14). Dans cet exercice de revue des business plans, deux approches peuvent aider en période de crise :
- renforcer les analyses de sensibilité sur les paramètres du business plan (taux de croissance du chiffre d'affaires, marges...) ;
- adopter une approche probabiliste consistant à modéliser les risques et incertitudes.
À noter : Pour ne pas avoir à conduire ces travaux de mise à jour des projections, l’ANC recommande la mise en œuvre préalable d’un test de sensibilité (voir n° 22).
Pour faciliter et fiabiliser l'exercice de prévision et d'élaboration des business plans, il peut alors être nécessaire de mettre en œuvre un certain nombre de procédures consistant notamment à renforcer les analyses de sensibilité sur les paramètres du business plan, tels que :
- les taux de croissance du chiffre d'affaires ;
- et les marges.
Il peut également être judicieux, afin de faciliter l’exercice de prévision, d’adopter l'approche probabiliste recommandée par la norme IAS 36 dans les contextes de fortes incertitudes pour le calcul des valeurs d'utilité.
Cette méthode n'est pas prévue de manière explicite dans les textes français, mais rien ne s'oppose à son application, à notre avis.
Elle consiste à modéliser les risques et incertitudes :
- pour chaque incertitude, des scénarios alternatifs au business plan sont identifiés ;
- puis des probabilités d'occurrence sont attribuées à chacun des scénarios.
Ainsi l'évaluation n'est pas fondée sur un seul business plan, mais sur plusieurs scénarios.
Elle peut être mise en œuvre de façon simple en identifiant 2 ou 3 scénarios autour des incertitudes majeures, notamment la date de la reprise d’activité, l’intensité de l’impact de la crise et la capacité à revenir aux tendances antérieures à la crise.
Des techniques de modélisation sophistiquées permettent de prendre en compte plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de scénarios.
Exemple : Dans le schéma qui suit, l'entreprise a identifié trois incertitudes majeures pour la réalisation de son business plan.
Pour chaque incertitude, trois scénarios d'évolution ont été identifiés et à chaque scénario est affectée une probabilité de réalisation.
À noter : La méthode probabiliste est déjà utilisée par un certain nombre de groupes français et devrait, à notre avis, être appliquée de manière plus répandue dans le contexte actuel d'incertitudes. En effet, elle présente deux avantages majeurs :
- elle matérialise la sensibilité de la valeur d’usage aux différentes sources d'incertitudes (la demande sur le marché local ou à l'étranger, la volatilité des matières premières ou du prix du pétrole, la variation du taux d'inflation...) ;
- elle permet de mieux suivre les incertitudes dans le temps, ce qui sera particulièrement utile au cours des prochains mois. En effet, cette approche permet de hiérarchiser les incertitudes par rapport à leur impact sur la valeur d’usage.
Revoir le taux d’actualisation
. Dans le contexte actuel d’extrême volatilité, si on constate peu de variation sur les taux sans risque, l’exercice d’ajustement des primes de marché peut s’avérer très compliqué. On observe actuellement des variations de primes de 0,25 à 3 %. Mais il faut être attentif à ne pas répercuter, sur des cash-flows projetés sur le long terme, des amplitudes de variation observées sur une très courte durée. Des analyses sont en cours auprès des évaluateurs professionnels afin de déterminer où doit se situer l’ajustement de la prime de marché. Ce point est à suivre.
Enfin, indépendamment de la prime de marché, les primes de risques spécifiques à l’entreprise peuvent être ajustées pour refléter les incertitudes sur les prévisions de cash-flows (à défaut de pouvoir ajuster les projections ou d’intégrer plusieurs scénarios dans le modèle ainsi que le permet la recommandation de l'ANC).
L’analyse des données de marché peut permettre d’estimer une fourchette de prime additionnelle à inclure dans le taux d’actualisation, qui pourra fortement différer selon les secteurs économiques.
Bien documenter
. Compte tenu du fort degré d’incertitude, il est particulièrement important :
- de bien documenter toutes les hypothèses du business plan retenu par la direction de l’entreprise ;
- d’être en mesure de comparer ces hypothèses avec celles retenues par les sociétés du même secteur.
À noter : On constate d’ores et déjà des disparités sectorielles plus importantes que celles observées avant la crise, notamment dans les valeurs boursières. Des approches par industrie devront d’ailleurs certainement être mises en place.
Le comité d’audit devra être sollicité dans le cadre de la révision du plan.
Cette documentation est évidemment nécessaire pour justifier les jugements de la direction. Elle permet également de répondre aux exigences des informations à fournir en annexe (voir n° 28).
Est-il possible, par simplification, de ne pas procéder au test de dépréciation si la valeur d’inventaire est difficilement estimable ?
Possibilité de ne pas construire de nouvelles projections si le risque de dépréciation est faible
. Aucun texte ne permet actuellement une telle dérogation à la règle.
Nouveauté : Toutefois, la réalisation d’un test de dépréciation étant un exercice long et délicat, d’autant plus en période de forte incertitude l’ANC propose, afin de simplifier l’exercice, d’adapter le test de dépréciation au niveau de risque de dépréciation encouru.
Selon l’ANC, la première étape consiste donc à estimer le degré du risque de dépréciation. L’ANC propose ainsi :
- de reprendre la dernière valeur actuelle calculée de l'actif ou du groupe d'actifs calculée en 2019
- et d’apprécier s’il existe une marge de confort par rapport à la valeur comptable à la date de clôture au regard des tests de sensibilité déjà disponibles.
Comment procéder ? En reprenant les projections ayant permis de calculer la dernière valeur d'inventaire et en faisant varier les hypothèses critiques (par exemple le chiffre d’affaires) jusqu’au « point de rupture », c'est-à-dire le point où il n'y a plus de marge par rapport à la valeur comptable. Puis regarder si le scénario de rupture (par exemple 70% de baisse) est un scénario raisonnablement possible, c’est à dire cohérent avec les différents scénarios de poursuite et de sortie de la crise considérés par la direction comme possibles.
L'ANC précise qu'il est également possible d'analyser la sensibilité de la valeur terminale dernièrement calculée lorsqu'elle représente une part très importante de la valeur d'usage. À notre avis, toutes les sources d'informations internes et externes disponibles sont à considérer dans cette analyse du risque de dépréciation.
Si, à l'issue de ces tests, le risque est faible, il n’y a pas de travaux complémentaires à réaliser.
Si le risque est fort, les travaux continuent pour déterminer une nouvelle valeur d’inventaire à la clôture 2020 (voir n° 15 s.).
À noter : Nous comprenons que les analyses "déjà disponibles" sont les tests de sensibilité déjà réalisés, le cas échéant, en 2019 afin de fonder l'estimation de la valeur d'inventaire 2019. A l'issue de ces tests, le scénario de rupture jugé improbable en 2019 peut en revanche être jugé probable en 2020, suite aux nouveaux événements de l'exercice. Toutefois, reprendre ces tests a ses limites, notamment lorsque la structure des coûts a significativement évolué par rapport à l'exercice précédent.
Cas rares de valeurs non fiables
. La valeur d’usage peut ne pas pouvoir être déterminée avec une fiabilité suffisante et la valeur vénale ne pas pouvoir être déterminée par référence à un marché actif ou à tout autre information.
Nouveauté : L’ANC précise que dans ce cas, la direction fonde sa décision en matière de dépréciation en procédant à ses estimations peu fiables mais qu'elle retient et une information est fournie en annexe décrivant les faits rendant peu fiable la détermination de la valeur d'usage et de la valeur vénale, les éléments retenus par l'entité pour fonder sa décision et le niveau d'incertitude qui subsiste.
L’ANC précise cependant que ce cas doit rester rare.
Dans quel ordre constater les dépréciations ?
Concernant les immobilisations corporelles et incorporelles
. La dépréciation d’un groupe d’actifs est comptabilisée (voir MC 27755) :
- en priorité en réduction de la valeur comptable du fonds commercial ou de l’écart d’acquisition, s'il fait partie du groupe d'actifs testé (Note de présentation du Règl. ANC 2015-06) ;
- puis, lorsque la perte de valeur s'avère supérieure au montant du fonds commercial ou de l’écart d’acquisition, aux autres actifs du groupe d'actifs.
Attention aux situations où un fonds commercial ou un écart d’acquisition n’est pas réparti sur les différents groupes d’actifs auxquels il appartient, mais est affecté globalement à l’ensemble des groupes d’actifs. Dans ces cas, s’il est constaté un indice de perte de valeur sur un groupe d’actifs (mais pas les autres) :
- le test de dépréciation est dans un premier temps réalisé au niveau du groupe d’actifs sur lequel est identifié l’indice de perte de valeur et les pertes de valeur sont comptabilisées sur les immobilisations corporelles et incorporelles de ce groupe d’actifs ; ces dépréciations pourront être reprises au cours d’exercices ultérieurs ;
- puis, dans un second temps, le test est réalisé au niveau du regroupement des groupes d’actifs (un indice de perte de valeur existant sur un des groupes d’actifs auquel est globalement affecté le fonds commercial ou l’écart d’acquisition). La perte à ce niveau est comptabilisée en priorité sur le fonds commercial ou l’écart d’acquisition ; ces dépréciations ne pourront jamais être reprises (voir n° 26).
Sur le classement en résultat d'exploitation ou exceptionnel de la perte, voir nos 45 s.
Les pertes de valeur constatées peuvent-elles être reprises ?
Une dépréciation peut toujours être reprise…
. À notre avis, si la valeur actuelle d'un actif immobilisé devient inférieure à sa valeur nette comptable, il est procédé à la constitution (C. com. art. R 123-179 ; PCG art. 214-19 et 942-29 ; voir MC 27760) :
- soit d'une dépréciation pouvant être reprise en cas de diminution ou de disparition de l’indice de perte de valeur, si la perte de valeur n'est pas jugée irréversible ;
- soit d'un amortissement exceptionnel ne pouvant pas être repris, si la perte de valeur est jugée irréversible. Tel est le cas si la direction de l’entreprise décide d’arrêter définitivement une fabrication ou un service.
… sauf si elle porte sur un fonds commercial ou un écart d’acquisition
. Une dépréciation constatée sur un fonds commercial ne pourra jamais être reprise par la suite (PCG art. 214-19), même en cas de disparition de l’indice de perte de valeur (voir MC 32010).
Il en est de même pour les écarts d’acquisition non amortis (Règl. CRC 99-02 § 21130, voir Conso 5195-1).
Cas particulier des clôtures intermédiaires
Rappelons que des comptes intermédiaires peuvent devoir être établis en règles françaises.
Tel peut notamment être le cas en raison :
– d’obligations (sociétés dont les titres sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur Euronext Growth) ;
– d'opérations spécifiques (distribution d'acomptes sur dividendes, augmentation de capital en numéraire plus de 6 mois après la clôture…).
Les entreprises peuvent également publier des comptes intermédiaires volontairement.
La recommandation CNC n° 99-R-01 relative à l'établissement des comptes intermédiaires (s'appliquant aux comptes individuels et aux comptes consolidés établis en règles françaises) :
- préconise d'appliquer les mêmes méthodes comptables que celles utilisées dans les comptes annuels (sous réserve de certains aménagements) ;
- indique que les comptes de l'exercice ne doivent pas être affectés par l'existence de comptes intermédiaires.
La question se pose de savoir si, en cas de comptabilisation d’une dépréciation sur un fonds commercial ou un écart d’acquisition lors d’une clôture intermédiaire, cette dépréciation pourrait être reprise.
Nouveauté : L’ ANC s’ est prononcée sur ce point et rappelle que bien que les situations intermédiaires soient établies selon les mêmes méthodes comptables que celles utilisées pour l’établissement des comptes de l’exercice, ces périodes sont autonomes. Les comptes de l’exercice ne doivent donc pas être affectés par l’existence de comptes intermédiaires. En conséquence, les dépréciations d’actifs constatées lors d’une situation intermédiaire, et notamment celles constatées sur les fonds commerciaux et les écarts d’acquisition ne sont pas définitives.
En conséquence, si une dépréciation est constituée sur le fonds commercial au l’écart d’acquisition dans les comptes intermédiaires et n'a plus lieu d'être à la clôture de l'exercice, ni la dotation ni la reprise n'apparaîtront dans les comptes annuels.
Quelle information donner en annexe ?
Clôtures janvier et février 2020
. Si, au terme de l’analyse des événements (voir n° 5), il a été déterminé que l’épidémie de Covid-19 a pris naissance postérieurement à l’exercice, le test de dépréciation n’a pas d’incidence sur les comptes. Seule une information est donnée en annexe au titre des évènements postérieurs à la clôture. Cette ’information est la même que pour les clôtures décembre 2019 (voir FRC 5/20 inf. 1 et le FRC 6/20 inf. 2). Sinon, l’information est la même que pour les clôtures mars 2020 (voir ci-après n° 28).
Clôtures à compter de mars 2020
. L’annexe des comptes doit comporter une information, au titre des dépréciations comptabilisées au cours de l'exercice pour des montants individuellement significatifs, sur le montant des dépréciations comptabilisées et les modalités de détermination de la valeur d’actuelle (PCG art.832-3/3).
À notre avis devraient notamment être indiqués :
- les regroupements d’actifs retenus ;
- les taux d’actualisation et primes intégrées ;
- les hypothèses critiques (durée, intensité des effets de la pandémie…) du ou des scénarios retenus ;
- les incertitudes qui subsistent sur les perspectives fondant les scénarios retenus (Rec. ANC).
Concernant l’analyse de sensibilité recommandée par l’ANC (voir n° 22), à notre avis :
- elle doit être décrite en annexe ;
- si elle permet de conclure à un risque faible de dépréciation et ainsi de reprendre la dernière valeur d’inventaire sans refaire de calcul malgré l’existence d’un indice de perte de valeur, cette information doit être donnée.
L’ANC précise également que lorsque l’une des valeurs d’usage ou vénale ne peut être déterminée avec une fiabilité suffisante (la valeur d’inventaire est donc déterminée sur la seule des deux valeurs disponibles), l’annexe en fait mention en décrivant les faits rendant impossible la détermination de la valeur d’usage ou vénale.
Enfin, l’ANC précise que lorsqu’aucune des deux valeurs ne peut être déterminée, l’annexe décrit :
- les faits rendant peu fiable la détermination de la valeur d’usage et de la valeur vénale,
- les éléments retenus par l’entité pour fonder le principe et, le cas échéant, montant de la dépréciation
- et le niveau d’incertitude qui subsiste.
Concernant les titres, les écarts entre les valeurs retenues au bilan et les valeurs boursières (en ce sens Bull. COB n° 209, décembre 1987).
La question se pose également de savoir où et comment communiquer sur les impacts de la crise sanitaire. Cette information doit-elle être donnée en lecture directe au bilan ou au compte de résultat ou en annexe ? Voir n° 45.
Comment évaluer les créances clients ?
. Compte tenu des effets économiques et financiers de la crise sanitaire actuelle, les défaillances d’entreprises vont inévitablement se multiplier. Dans ce contexte, il doit donc être porté une attention toute particulière aux créances clients à la clôture Des pertes (probables ou réalisées) peuvent devoir être comptabilisées dès la clôture, au titre :
- de créances devenues irrécouvrables (voir n° 32 s.) ;
- de créances devenues douteuses (voir n° 34 s.),
- y compris lorsque les créances ont été cédées (voir n° 38).
Le traitement comptable est toutefois différent selon que la défaillance a ou non un lien direct avec la situation à la clôture (voir n° 30 et 31).
L’évaluation des créances clients doit-elle tenir compte des conséquences (post-clôture) de l’épidémie du Covid-19 ?
Clôtures janvier et février 2020
. Selon l’ANC (voir n° 5), une analyse doit être conduite par chaque entité pour déterminer si l’épidémie de Covid-19 :
- a pris naissance au cours de l’exercice ;
- ou postérieurement à l’exercice.
La réponse dépend donc de la situation :
a) Si l’épidémie de Covid-19 a pris naissance au cours de l’exercice (pour toutes ou seulement certaines activités de l’entité), les comptes doivent être ajustés des conséquences post-clôture de l’épidémie, pour autant que ces conséquences soient raisonnablement attendues à la clôture.
S’agissant de la question de la défaillance de ses clients postérieurement à la clôture, il nous semble que, dès lors que l’épidémie est analysée comme un événement de l’exercice, la défaillance post-clôture d’un client de l’entité devrait pouvoir être considérée, en général :
- comme une conséquence raisonnablement attendue à la clôture et devrait être prise en compte à la clôture,
- notamment si le client exerce dans un secteur lié aux activités touchées par la crise du Covid-19.
En effet, lorsqu’un client, relevant d’un secteur d’activité touché par les conséquences économiques et financières de l’épidémie, parfaitement sain à la clôture, fait faillite postérieurement à la clôture, sa défaillance sera dans de très nombreux cas due à l’événement Covid-19.
Toutefois, le jugement doit rester la règle. Certains clients des activités de l’entité touchées par la crise peuvent en effet être défaillants postérieurement à la clôture à la suite d’un événement non lié au Covid-19 (événement exceptionnel non anticipable à la clôture).
b) Si l’épidémie de Covid-19 a pris naissance postérieurement à l’exercice, seule une information en annexe doit être donnée au titre des évènements post-clôture, comme pour les clôtures au 31 décembre 2019, voir ci-avant n° 5).
Clôtures à compter de mars 2020
. Selon l’ANC (voir n° 6), l’épidémie de Covid-19 a nécessairement pris naissance dans l’exercice et les comptes doivent obligatoirement tenir compte de cet événement et de ses conséquences jusqu’à la date d’arrêté des comptes, dès lors que ces conséquences pouvaient être raisonnablement attendues à la clôture.
S’agissant de la défaillance des clients de l’entité, il nous semble que l’épidémie étant un événement de l’exercice, la défaillance d’un client devrait pouvoir être considérée, en général, comme une conséquence raisonnablement attendue à la clôture et devrait être prise en compte à la clôture. En effet, lorsqu’un client parfaitement sain à la clôture fait faillite postérieurement à la clôture, sa défaillance sera dans de très nombreux cas due à l’événement Covid-19.
Toutefois, le jugement doit rester la règle. Certains clients peuvent en effet être défaillants postérieurement à la clôture suite à un événement non lié au Covid-19 (événement exceptionnel non anticipable à la clôture).
Quand comptabiliser une perte définitive sur créance irrécouvrable ?
Fait générateur
. La perte définitive de la créance s'apprécie au cas par cas. Pour éviter une distorsion avec le traitement fiscal, la doctrine et la jurisprudence fiscales peuvent constituer une bonne base d’appréciation (voir MC 11395).
En pratique, le caractère irrécouvrable d'une créance est démontré et la perte comptabilisée, notamment :
- en cas de remises accordées dans le cadre d’une procédure de conciliation ou de sauvegarde ou de redressement : dès l'accord des parties (PCG art. 626-1 ; voir MC nos 11410 et 11430) ;
- en cas de réduction de délai de paiement accompagné d’une réduction de créance dans le cadre d’une procédure de sauvegarde ou de redressement : dès que le paiement de la dernière échéance liée à la créance est intervenu (voir MC n° 11430) ;
- en cas de règlement partiel de la créance prévu par le plan d'apurement des dettes d'une société en liquidation judiciaire, après la date de jugement (MC n° 11430) ;
- à l’encaissement d’une indemnité dans le cadre d'un contrat d'assurance-crédit (voir MC n° 11460).
En revanche, les créances non produites ou rejetées ne peuvent pas être constatées en pertes. Elles font l’objet d’une dépréciation (voir nos 34 s.).
Lorsque le fait générateur apparaît post-clôture
. Si le caractère irrécouvrable de la créance est démontré entre la date de clôture et la date d’arrêté, la perte devrait, à notre avis, être comptabilisée à la clôture 2020 :
- si l’épidémie avait pris naissance à la clôture de cet exercice,
- et si la défaillance du client était raisonnablement attendue à la clôture, ce qui, en pratique, devait être la généralité des cas.
En pratique, sur l’analyse de l’événement « raisonnablement attendu », voir n° 30 (clôtures janvier et février 2020) et 31 (clôture à compter de mars 2020).
La dépréciation constituée, le cas échéant, est reprise au même moment.
Sur le classement en résultat d'exploitation ou exceptionnel de la perte, voir n° 45 s.
Quand doit-on comptabiliser une dépréciation pour créances douteuses ?
Fait générateur
. Une dépréciation doit être constatée sur les créances que l'entité possède sur ses clients dont la solvabilité apparaît douteuse (PCG art. 944-41), dès qu'apparaît une perte probable sur la créance (C. com. art. R 123-179, voir MC 11360 s.).
Tel est notamment le cas, à notre avis, lorsque l’entreprise a procédé à plusieurs relances restées sans effet et au plus tard à la date à laquelle le dossier est transmis à une compagnie d’assurance (voir Mémento Comptable n° 11460) ou à un tiers chargé du recouvrement. Aucune règle comptable précise ne permet toutefois de déterminer à quel moment exact il convient de comptabiliser la dépréciation.
Sur le plan pratique :
- hormis le cas de l'ouverture d'une procédure amiable ou judiciaire qui donne une date exacte à l'événement justifiant le passage en clients douteux et la dépréciation (Bull. CNC n° 79, avis n° 38, octobre 1989, voir Mémento Comptable nos 11410 s.) ;
- il appartient aux entreprises, en fonction de leur activité et de leur historique, de déterminer une règle applicable.
Mais, pour éviter une distorsion avec le traitement fiscal, la doctrine et la jurisprudence fiscales peuvent constituer une bonne base à la méthode à retenir.
Ainsi, fiscalement, la dépréciation des créances douteuses est en général subordonnée à la mise en œuvre des relances et à l’engagement de poursuites judiciaires contre le débiteur. Elle est toutefois possible en l’absence de poursuite, lorsque :
- une procédure de liquidation judiciaire a été ouverte contre le débiteur ;
- le débiteur connaît des difficultés financières, sous réserve que l’entreprise ne se limite pas à des allégations générales sur ces difficultés, mais soit en mesure de prouver le caractère notoirement difficile de sa situation et le fait que son redressement est improbable. Notamment, la seule perspective d’une crise économique donnant à penser que certains clients pourront éprouver des difficultés ne peut justifier une dépréciation.
Lorsque le fait générateur apparaît post-clôture
. Si le caractère douteux du client apparaît entre la date de clôture et la date d’arrêté, le client devrait, à notre avis, être classé en clients douteux et une dépréciation est constatée à la clôture 2020 :
- si l’épidémie avait pris naissance à la clôture de cet exercice,
- et si la défaillance du client était raisonnablement attendue à la clôture, ce qui, en pratique, devait être la généralité des cas.
En pratique, sur l’analyse de l’événement « raisonnablement attendu », voir n° 31 (clôture janvier et février 2020) et 32 (clôture à compter de mars 2020).
Nouveauté : L’ANC précise que dans le contexte actuel, l’entité peut être amenée à reconsidérer le périmètre des événements défavorables constituant le fait générateur d’une dégradation de la solvabilité d’un client. Un simple retard de paiement peut en effet résulter de difficultés administratives du débiteur ou être lié à des difficultés de trésorerie faisant l’objet de mesures de soutien en cours de mise en œuvre.
Les créances garanties ne sont bien sûr pas dépréciées à hauteur de la garantie (voir MC n° 11435 et 11460). Attention toutefois à vérifier :
- que les contrats de garantie couvrent également les situations de pandémie, ce qui n’est pas vrai dans tous les cas ;
- la qualité de crédit des garants dans le contexte actuel de crise économique et financière.
Lorsque les effets sont jugés irréversibles, la créance doit être considérée comme irrécouvrable et constatée immédiatement en pertes.
À noter : Actuellement, en pratique, pour une grande majorité des entreprises, les créances dites « saines », c’est-à-dire sur lesquelles aucun événement susceptible de compromettre leur recouvrement n’est connu à la clôture, ne sont pas dépréciées.
Toutefois, certaines entreprises considèrent que toutes les créances devraient faire l’objet d’une dépréciation sans attendre leur classement en clients douteux, en considérant qu’un risque de crédit inhérent existe à la clôture même en l’absence d’un événement susceptible de compromettre le recouvrement de la créance. Pour ces entreprises, la question se pose de l’impact de la crise sanitaire sur l’évaluation du risque de crédit.
Comment évaluer la valeur d’inventaire des créances à la clôture ?
. Les créances sont évaluées à la valeur la plus faible entre leur valeur comptable et leur valeur actuelle (PCG art. 214-25), c’est-à-dire la valeur de recouvrement.
En pratique, deux solutions se présentent (parfois complémentaires) :
- soit une dépréciation individualisée par client,
- soit une dépréciation forfaitaire, en général sur la base d’un ensemble de créances échues et de taux issus d’une analyse statistique de l’expérience passée de l’entreprise.
Pour plus de détails, voir MC n° 11380.
L’évaluation doit prendre en compte toutes les informations disponibles jusqu’à la date d’arrêté des comptes pour estimer les dépréciations. Ainsi, par exemple, lorsque l’entreprise utilise une méthode statistique affectant à chaque ancienneté (plus de 3 mois, plus de 6 mois…) un taux de dépréciation spécifique (10 %, 20 %...), le passage d’une ancienneté à une autre (et donc d’un taux à un autre) entre la date de clôture et la date d’arrêté des comptes devrait pouvoir, à notre avis, être pris en compte.
Si l’ajustement post-clôture est significatif, une information est donnée en annexe sur l’ajustement pratiqué entre la date de clôture et la date d’arrêté des comptes, au titre des événements postérieurs en lien avec la situation existant à la clôture (Note d’information NI.II « Le commissaire aux comptes et les événements postérieurs à la clôture des comptes », février 2010, § 1.41 ; en ce sens également, Bull. CNCC n° 157, mars 2010, EC 2009-58, p. 225 s.).
Est-il possible de changer les hypothèses statistiques pour évaluer les créances douteuses ?
. La révision d'une estimation doit normalement découler de circonstances qui ont changé à la suite d'une meilleure expérience ou d’une modification des conditions d'exploitation.
Les taux étant basés sur des données historiques, ils ne devraient pouvoir être modifiés que par une actualisation des analyses statistiques de l’expérience passée de l’entreprise.
En revanche, les taux ne contenant pas de composante prospective, la modification des circonstances conjoncturelles ne devrait pas modifier ces taux.
Les entreprises justifiant statistiquement les estimations retenues ne devraient donc pas être amenées à modifier leurs estimations, du seul fait du changement de conjoncture lié à la crise sanitaire.
Les créances cédées doivent-elles donner lieu à des provisions ou dépréciations ?
. Pour rappel, les entreprises, pour financer leurs besoins en fonds de roulement et faire face à leurs difficultés de trésorerie actuelles, peuvent choisir de céder leurs créances, voire leurs futures créances, dans le cadre de dispositifs multiples dont l’escompte d’effets (voir MC 40735), la mobilisation Loi Dailly (voir MC 40820 s.), l’affacturage (voir MC 42795), la titrisation (voir MC 42830)…
Dans tous ces cas de cession des créances, quelles que soient les conditions de transfert du risque de crédit, les règles comptables françaises imposent la comptabilisation de la cession de la créance et donc la sortie de l'actif de la créance cédée.
Toutefois, lorsque l’entreprise cédante conserve au moins une partie du risque d’impayés lié à l’insolvabilité des clients, elle doit tenir compte du risque de non-recouvrement existant sur les créances cédées au travers de provisions pour risques (ou de dépréciations pour les retenues de garantie et créances non approuvées par le factor, comptabilisées à l’actif).
Quelle information donner en annexe au titre des créances ?
. Pour rappel, l’annexe des comptes doit comporter une information, notamment :
- sur les méthodes d’évaluation et de dépréciation des créances (s’agissant à notre avis d’une information significative ; C. com. art. R 123-195) ;
- sur l’état des échéances des créances à la clôture de l’exercice en distinguant les créances à plus ou moins d’un an (PCG art. 833-9, 832-9 et 841-5 pour un modèle de tableau) ;
- le détail et la justification des dépréciations de créances et comptes rattachés (PCG art. 833-8/3 et 832-8/3), à notre avis, celles dotées ou reprises au cours de l’exercice pour des montants individuellement significatifs ;
- dans le cadre du règlement des difficultés des entreprises, sur les remises et/ou réductions accordées au débiteur, ainsi que sur les engagements financiers futurs reçus et donnés les concernant (PCG art. 833-20/8 et 832-20).
Comment évaluer les VMP et autres valeurs cotées ?
. En Bourse, la crise du coronavirus a dans un premier temps principalement affecté les valeurs fortement liées à l’économie chinoise et les groupes possédant des activités dans les régions du monde touchées par l’épidémie en début d’année (principalement les groupes évoluant dans les secteurs de l’automobile, des matières premières, du luxe, du transport aérien ou du tourisme). Progressivement, l'épidémie de coronavirus, prenant une dimension mondiale, a finalement fait chuter, dès mi-février, de manière spectaculaire les marchés financiers faisant craindre un ralentissement de la croissance économique mondiale.
Dans ce contexte de chutes des cours (valeurs et devises), la question de l’évaluation des valeurs cotées se pose.
Quel est le cours à retenir à la clôture ?
. Selon les règles générales, les actifs et passifs en devises, ainsi que tous ceux dont la valeur varie en fonction de cours de marché (valeurs mobilières de placement, stocks de matières, produits finis indexés sur les cours…) sont évalués sur la base des cours de clôture. En conséquence :
La trésorerie en devises doit être convertie en euros sur la base du dernier cours de change au comptant (PCG art. 420-7). Les écarts de conversion constatés sont compris dans le résultat de l'exercice dans les comptes 666 « Pertes de change financières » (PCG art. 946-66) ou 766 « Gains de change financiers » (PCG art. 947-76). Voir MC 40790.
S’agissant de créances et dettes en devises, elles doivent être converties en monnaie euros sur la base du taux de change à la clôture. Les différences de conversion sont inscrites aux comptes transitoires 476 « Différences de conversion-Actif » et 477 « Différences de conversion-Passif » (C. com. art. R 123-182, PCG art. 420-5 et 944-47). Seules les pertes latentes sont (sauf en cas de couverture ou de position globale de change) constatées en résultat via la constitution d'une provision pour risques (PCG art. 420-5). La Cour des comptes (Rapport sur les comptes 1983, p. 219 s.) précise que ne pas constituer une provision en spéculant sur le caractère réversible de la hausse de la devise concernée constitue une erreur d'appréciation. Voir MC 40390.
Les stocks de matières premières cotées sur un marché reconnu sont, en ce qui les concerne, évalués :
- sur la base de la valeur vénale, c’est-à-dire leur cours de clôture,
- sauf lorsqu’ils sont destinés à être intégrés dans un produit fini ; dans ce cas, attention, ils ne seront dépréciés que s’il s’avère que le coût de revient du produit fini auquel ils sont intégrés est supérieur à son prix de vente probable, ce qui pourra notamment être le cas lorsque le produit fini est lui-même indexé sur le cours de la matière première. Voir MC 21520.
Les stocks de produits finis indexés sur le cours de matières cotées sont évalués sur la base de la valeur vénale (donc le dernier cours).
Enfin, les VMP cotées sont estimées au cours moyen du dernier mois (PCG art. 221-6). Voir MC 35850.
La variation brutale et anormale des cours peut-elle être considérée comme « momentanée » ?
. Rappelons que des règles dérogatoires permettent de limiter les provisions pour pertes latentes à la suite à d’une chute « anormale et momentanée » des cours. Ces exceptions aux règles générales concernent :
- les créances et dettes en devises à échéance court terme : elles peuvent être converties et comptabilisées en monnaie nationale sur la base d’un taux de change faisant abstraction de cette variation temporaire brutale (Rec. OEC Principes comptables n° 1.12, voir MC 40460) ;
- les VMP : une compensation avec les plus-values latentes normales constatées sur d'autres titres est possible (PCG art. 222-1 renvoyant vers 221-7, complété par l’Avis CU CNC 2002-C, voir MC 36155).
Nouveauté : L’ANC rappelle dans sa recommandation cette possibilité de compenser les pertes et gains latents sur les VMP.
La variation de cours (valeurs, devises) constatée depuis mi-février 2020, à la suite de l’épidémie de coronavirus, est-elle concernée par ces règles dérogatoires ? Selon une lecture stricte des conditions, a priori non.
En effet, concernant les créances et dettes en devises à échéance court terme, la recommandation OEC Principes comptables n° 1.12 précise que :
- la fluctuation importante a lieu quelques jours avant la date de clôture de l'exercice ;
- la hausse (ou la baisse) se trouve annulée dans les premiers jours suivant la clôture de l'exercice ;
- l'évolution du taux de change jusqu'à la date de publication des comptes annuels montre, à l'évidence, que cette variation brutale et momentanée n'était pas l'amorce d'une tendance nouvelle.
Concernant les VMP, l’Avis CU CNC 2002-C précise que le caractère momentané est reflété dans le dernier mois avant la clôture et non au regard de l'évolution du cours de Bourse dans les périodes précédant et suivant la clôture de l'exercice.
Ces conditions, ainsi strictement définies par les textes, ne nous semblent pas pouvoir être remplies dans le cadre des clôtures 2020.
Comment la chute des cours post-clôture doit-elle être appréhendée dans les comptes ?
. En principe, une variation de cours (valeurs, devises) survenant après la clôture d'un exercice doit être considérée comme une circonstance nouvelle, apparaissant au moment où elle se produit (Rec. OEC Principes comptables n° 1.12). Voir MC 52345.
En effet, la cotation sur un marché reconnu et liquide d'un actif à une date donnée est censée tenir compte de toutes les données disponibles à cette date. Aussi, toute baisse ultérieure est réputée résulter d'événements nouveaux qui doivent être pris en compte au moment où ils surviennent.
Les cours à utiliser restent, conformément aux règles générales, ceux existant à la clôture (voir n° 41).
Ces variations de cours post-clôture doivent en revanche donner lieu à des informations adaptées jusqu’à l’arrêté des comptes, en annexe (PCG art. 833-2).
Ainsi, les entreprises concernées doivent indiquer en annexe, si l’information est significative (Communiqué CNCC précité du 25-3-2020) :
- la baisse des cours de Bourse post-clôture ;
- son impact, s’il peut être chiffré, sur la dépréciation :
> des créances et dettes en devises ;
> des stocks de matières premières cotées sur un marché reconnu et de produits finis dont le prix est indexé sur le cours de matières cotées ;
> des titres cotés classés en valeurs mobilières de placement (VMP).
Les actifs et passifs couverts ne sont, bien entendu, pas concernés.
À noter : En outre, les variations significatives observées après la date d’arrêté des comptes devraient être indiquées :
- entre la date d’arrêté des comptes et celle d’établissement du rapport de gestion : dans le rapport de gestion (C. com. art. L 232-1) ;
- entre la date d’établissement du rapport de gestion et celle de l’assemblée générale : dans une communication appropriée à l'organe appelé à statuer sur les comptes (Note d'information CNCC NI. II « Le commissaire aux comptes et les événements postérieurs à la clôture des comptes », février 2010, § 1.221).
Comment les titres de participation cotés sont-ils impactés par la chute des cours ?
. Les titres de participation, cotés ou non, sont évalués à leur valeur d'utilité représentant ce que l'entreprise accepterait de décaisser pour obtenir cette participation si elle avait à l'acquérir (PCG art. 221-3 ; voir n° 10).
En pratique, une baisse (ou une hausse) des cours de Bourse ne peut donc avoir systématiquement une incidence sur la valeur d'utilité.
Toutefois, un cours de Bourse durablement inférieur à la valeur comptable de titres cotés est un indice de perte de valeur à prendre en compte. Ainsi, selon l'AMF (Bull. COB n° 243, janvier 1991, p. 3 s. et Bull. COB n°243 janvier 1991, p. 13 s.), pour avoir le droit de maintenir à l'inventaire une valeur supérieure à un cours de Bourse en baisse, il faut que la société soit en mesure de justifier, par des documents écrits, qu'elle avait antérieurement déterminé le ou les critères de la valeur d'utilité des titres en rattachant cette valeur à des paramètres qui soient à la fois significatifs de cette utilité et vérifiables sans difficultés majeures lors des arrêtés des comptes ultérieurs. Voir MC 35705.
Dans tous les cas, la valeur d’utilité des titres de participation ne devrait pouvoir prendre en compte la baisse d’un cours, postérieurement à la clôture, que si elle révèle une dégradation de la situation de l’entreprise qui existait à la clôture.
Ainsi :
- les clôtures mars 2020 et postérieures devront, dans de très nombreux cas, tenir compte des effets de la crise post-clôture et procéder à un nouveau test de dépréciation, l’épidémie et ses conséquences constituant très probablement un indice de perte de valeur (voir n° 6) ;
- concernant les clôtures janvier et février 2020, tout dépendra de l’analyse faite par la société des événements liés à l’épidémie (voir n° 5).
Enfin, rappelons que l'AMF (Bull. COB n° 209, décembre 1987) demande que soient fournies, dans l'annexe des comptes ou en complément à ceux-ci, toutes les informations nécessaires à la bonne compréhension des comptes. Devraient ainsi être indiqués en annexe les écarts entre les valeurs retenues au bilan et les valeurs boursières. Voir MC 38765.
Où comptabiliser les pertes de valeur dans le compte de résultat ?
. La question se pose de savoir comment classer les impacts de la crise sanitaire en résultat courant ou non courant.
Nouveauté : L’ANC s’est prononcée sur ce point. Elle ne recommande pas d’utiliser les rubriques du résultat exceptionnel (comptes annuels) ou non courant (comptes consolidés) pour traduire systématiquement les conséquences de l’événement Covid-19. Elle recommande au contraire :
- que les entités poursuivent leurs pratiques antérieures en n’inscrivant dans les rubriques du résultat exceptionnel ou du résultat non courant que les produits et les charges qui y sont portés de façon usuelle ;
- de privilégier en conséquence la présentation dans l’annexe, voir le FRC 6/20 inf. 1.
En pratique, il existe deux méthodes implicites pour classer les pertes de valeur constatées sur les actifs, selon la conception retenue, en résultat courant ou en résultat exceptionnel (voir MC 52030 s.).
Quelle que soit celle retenue par l’entité, elle devrait, à notre avis, être indiquée en annexe et être appliquée de façon permanente. Une entité qui souhaiterait changer de méthode de présentation de son résultat exceptionnel devrait le faire dans le respect des conditions énoncées à l’article 122-2 du PCG.
La conception IFRS
. Selon une première méthode, les entreprises peuvent suivre la recommandation ANC 2020-01 du 6 mars 2020 (qui annule et remplace la Rec. ANC 2013-03 du 7-11-2013) relative au format du compte de résultat en IFRS. Selon cette approche, les éléments « exceptionnels » sont ceux correspondant à un événement majeur de nature à fausser la lecture de la performance de l’entreprise.
L’ANC, dans sa recommandation, cite un certain nombre de natures de charges et produits susceptibles d’être classés en résultat non courant s’ils sont par ailleurs peu nombreux, inhabituels, significatifs, anormaux et peu fréquents au niveau de la performance :
- certaines plus ou moins-values de cession d'actifs non courants, corporels ou incorporels (dès lors que l'activité de la société ne comprend pas la cession régulière d'actifs non courants ; par exemple la revente de véhicules par les sociétés de location) ;
- certaines dépréciations d'actifs non courants, corporels ou incorporels ;
- certaines charges de restructuration (celles de nature à perturber la lisibilité du résultat opérationnel courant, par leur caractère inhabituel et leur importance) ;
- une provision relative à un litige d'un montant très significatif pour l'entreprise.
Selon cette première conception :
- si les dépréciations d’immobilisations peuvent être qualifiées d’éléments exceptionnels ;
- en revanche, les dépréciations de créances clients, stocks ou VMP (par définition, actifs courants) n’en font pas partie et ne devraient donc pas pouvoir être classées en résultat exceptionnel selon cette conception.
La conception PCG
. Selon une seconde méthode, les entreprises peuvent suivre la liste des comptes du PCG qui cite un certain nombre de nature de charges et produits à classer obligatoirement en résultat exceptionnel (plus et moins-values de cession, pénalités, indexations…).
Lorsqu’une nature de charge ou de produit est citée à la fois dans les listes de compte du résultat courant et dans celle du résultat exceptionnel, une doctrine ancienne de la CNCC permet de classer cette charge ou ce produit en résultat exceptionnel ou en résultat courant selon qu’elle est jugée récurrente ou non récurrente et/ou que son montant est jugé normal ou anormal.
Ainsi, le bulletin CNCC (n° 61, mars 1986, EC 85-80, p. 111) a déjà eu l’occasion de préciser qu’il est possible de comptabiliser une dépréciation pour créances douteuses en résultat courant à hauteur d'un montant comparable aux dotations des trois dernières années et en résultat exceptionnel pour le complément.
Il devrait en être de même, à notre avis :
- pour toutes les natures de charge et de produit citées à la fois dans les listes de compte du résultat courant et dans celle du résultat exceptionnel :
> dépréciations d’actifs courants (créances et stocks) ou non courants (immobilisations) ;
> pertes sur créances irrécouvrables ;
- pour les natures de charge et de produit citées dans aucune des listes du PCG (indemnités, abandons de créances…).
Compte tenu du principe de symétrie, une dépréciation constatée en charges exceptionnelles devra donner lieu à une reprise comptabilisée en produits exceptionnels.
L'ESSENTIEL
Depuis le classement, le 11 mars 2020, de l'épidémie de Covid-19 en pandémie mondiale, la menace d'une récession mondiale et d'une crise financière s'annonce et touche déjà un très grand nombre d'activités. Faut-il tester les immobilisations ? Et comment, dans ce contexte de crise sanitaire sans précédent ?
Concernant les immobilisations corporelles et incorporelles, le calcul d’une nouvelle valeur d’inventaire n'est obligatoire que lorsqu'il existe un indice de perte de valeur à cette date. Sauf pour les fonds commerciaux et écarts d'acquisition non amortis qui doivent faire l’objet d’une nouvelle évaluation à chaque clôture. Pour les clôtures à compter de mars 2020, des indices de perte de valeur seront présents pour beaucoup d'entreprises compte tenu des conséquences économiques liées à l'épidémie de Covid-19. Le jugement reste toutefois la règle. L'ANC s’est en outre prononcée sur la possibilité de simplifier le test lorsque le risque de dépréciation s’avère faible après une analyse de sensibilité.
Les valeurs d'usage sont calculées sur la base d'une méthode de projection de cash-flows qui, compte tenu du contexte très incertain actuel, doivent être adaptés en intégrant tous les impacts de la crise prévisibles à la clôture, à court, moyen et long terme (cash-flow et/ou taux d'actualisation).
L'ANC a indiqué que la dépréciation comptabilisée sur un fonds commercial ou un écart d'acquisition lors d'une clôture intermédiaire est réversible.
De nombreuses méthodes peuvent être mises en œuvre pour estimer la valeur d'inventaire des titres : actif net comptable, cash-flows actualisés… Certaines ont l’avantage d’être simples, d’autres de donner une meilleure estimation en permettant d'intégrer les impacts de la crise prévisibles à la clôture. Compte tenu du fort degré d'incertitude, il est particulièrement important de bien documenter les hypothèses retenues et de les indiquer en annexe.
Les créances commerciales sont également impactées par la crise actuelle. Pour les clôtures à compter de mars 2020, lorsqu'une créance devient irrécouvrable post-clôture, la perte devrait, dans la plupart des cas, être comptabilisée dès la clôture car en lien avec la situation existant à la clôture. De même, le caractère douteux d'un client apparu post-clôture devrait, dans la plupart des cas, donner lieu au reclassement du client parmi les clients douteux et à la comptabilisation d'une dépréciation. Toutefois, le jugement doit rester la règle. L’ANC précise qu’un retard de paiement résultant de difficultés administratives ou de trésorerie en attente de la mise en œuvre des mesures de soutien ne constitue pas le fait générateur d’une dégradation de la solvabilité d’un client.
À notre avis, les hypothèses statistiques pour évaluer les créances douteuses ne devraient pas pouvoir être modifiées et devraient rester basées sur les seules analyses des données historiques de l'entreprise. En revanche, la dégradation du risque post-clôture devrait pouvoir être prise en compte dans l'évaluation des créances commerciales.
Les VMP et matières cotées sont évaluées au cours de clôture. Les moins-values latentes constatées sur les VMP ne devraient pas pouvoir être compensées avec les plus-values latentes, la chute des cours depuis mi-février ne répondant pas, à notre avis, aux conditions strictes de la recommandation de l'ANC autorisant cette compensation dans certains cas de chute anormale et momentanée.
Enfin, l’ANC précise que les impacts de la crise sanitaire sont classés en résultat courant ou non courant selon la méthode habituellement retenue par l’entité. Elle recommande une présentation de l'impact de l'épidémie de Covid-19 en annexe.
Par Magali DOS SANTOS, Expert-comptable et Commissaire aux comptes, Directeur PwC, Responsable des publications en Règles françaises et Marie-Jeanne MORVAN, Expert-comptable, Responsable du Pôle Publications et Consultations, Règles françaises, Associée PwC
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